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LE POISSON FRAIS DU CHOUR


ENCORE DES TOUTES NOUVELLES NOUVELLES nouvelles photos de la soirée, normalement réservées aux salariés ... dans la rue brique "Mes exclus Lulu"

... ET LA VIDEO DE MON SPEECH !!!


Dans la rue brique "Des news de François" :

Les vidéos et photos de la remise du trophée de vainqueur du Vendée Globe, samedi 11 mai aux Sables-d'Olonne

Ainsi que de nouveaux extraits vidéos de François






Le PRESSE Purée

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Samedi 16 Février 2013











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Mardi 12 Février 2013



En escale à l’Equipe

 

François Gabart et Armel le Cléac’h, premier et deuxième du Vendée Globe, ont partagé leur passion du sport lors d’une halte prolongée à notre journal.

François Gabart a déboulé au siège de L’Equipe vendredi en fin de matinée, en avance. « Vous voulez encore me faire pleurer !», s’est-il exclamé à la vue de la photo de une du lundi 28 janvier où, en larmes, il salue la foule massée le long du chenal des Sables-d’Olonne.
Mais c’est tout sourire que le vainqueur du Vendée Globe a apposé sa signature. C’est avec le même plaisir qu’il a claqué la bise à Armel le Cléac’h, arrivé non pas 3h 17’12’’ après lui, comme dimanche dernier, mais juste quelques minutes plus tard.
Leur complicité, leur simplicité ont éclairé la conférence de rédaction quotidienne de notred journal au cours de laquelle Le Cléac’h a redit sa passion pour tous les sports. « Je suis supporter du Stade Rennais, je suis content de la sélection d’Alessandrini, peut-être le futur Ribery ! » a relevé ce Breton pur beurre. « Moi, je suis nul en foot, mais j’ai bien compris que Beckham est une grande star. Je ne suis pas sûr que, sportivement, ce soit important pour le PSG », a glissé Gabart, non sans malice. Plus sévère, il a tenu à revenir sur les « aveux » de Lance Armstrong, alors qu’il naviguait dans l’Atlantique : « On a l’impression d’avoir affaire à un psychopathe, le sang-froid qu’il affiche, il est un peu mal à l’aise, mais on sent une fierté aussi. Or il a dû manipuler les gens … Quand je rentre chez moi à vélo, il y a une petite colline. Je me prenais pour Armstrong mais je vais me prendre pour qui maintenant ? Et les gamins ? »
François s’est dit fan de Kelly Slater, 11 fois champion du monde de surf, qu’il aimerait rencontrer. Armel, lui voue une certaine admiration à Roger Federer. Avant de déjeuner dans nos locaux, les duellistes ont pris le temps d’évoquer leur bateau et leur intérieur. « On a le même loft, mais pas la même déco ! », s’est esclaffé François Gabart. Référence à leurs monocoques issus des mêmes moules et au potentiel similaire, une des raisons de leur mano a mano intense autour du globe.

MON BATEAU ET MOI

 François Gabart

« J’ai suivi la préparation du bateau, qui est le dernier de Hubert Desjoyaux (le frère ainé de Michel décédé en mai 2011), il y a donc une relation forte depuis le début, mais, pendant la course, un truc en plus s’est créé. Quelque cose d’assez chouette que je ne soupçonnais pas. Je lui parlais, pas souvent. Le bateau, lui, il ne se repose jamais. Il y a des moments, tu te dis : « Ce qu’il prend dans la gueule ! » Ca ne s’arrête jamais, jamais. Les rares moments où je lui parlais, c’était pour dire : « Là, il va y avoir un coup de vent, ça va durer 12 heures, tiens bon, après, derrière, ce sera un peu plus cool. » C’était un peu irrationnel. Il a encore de beaux jours devant lui, je navigue avec lui : la Transat Jacques Vabre en fin d’année, la Route du Rhum en 2014. J’ai encore de belles choses à faire avec lui. On va changer plein de trucs. On avait déjà des idées avant le départ, mais on n’avait pas assez de temps pour les mettre en place. Faut progresser, rester dans une dynamique. C’est important. Se remettre en cause. C’est stimulant. »

Crocs en stock

« Honnêtement, mon image de mec bordélique, c’est un peu une légende. Les Crocs, je les porte souvent, même quand il caille. Si tu veux sortir les pieds des bottes, à l’extérieur comme à l’intérieur du bateau, tu peux les mettre. Je les ai vachement portées, quasiment tout l’Atlantique. Les bottes, je les ai remises trois jours avant l’arrivée. Quatre ou cinq jours aprs le cap Horn, tu es en Crocs. Les pieds, quand tu les sors des bottes au bout d’une semaine, c’est pas très joli. Avec Armel, on a une super crème, une nouveau truc pas mal qui protège du sel et de plein de choses. Mais ce qu’il faut surtout, au niveau des pieds, c’est qu’ils restent au sec. Faut changer les chaussettes en Gore-Tex qui permettent de garder le pied sec même si la botte est mouillée. Enfin, au bout d’un moment, même avec la chaussette étanche, tu n’es plus très au sec. J’avais cinq ou six paires. »


Pression, émotions
 

« Ca, c’est après l’arrivée. Je ne pense pas que ce soit moi qui ai mis la bouteille là. Je l’ai passée à mon père. J’ai pleuré à l’arrivée car, après 78 jours de pression, tout tombe d’un coup avec, en plus, l’euphorie finale. C’est difficile de ne pas avoir d’émotions aussi fortes. La remontée du chenal des Sables, c’est quelque chose de très fort, magique. En plus, on n’a pas eu de sas de décompression. On a eu la pression jusqu’à la fin. C’est seulement une heure ou deux avant la fin de la course que j’ai commencé à me dire que ça allait. Sur d’autres courses, lors des deux ou trois derniers jours, tu commences à réaliser, à prendre du recul. Cette fois, je n’ai pas pu avoir ce temps-là. »


En or massif


« C’est les gens de la MACIF qui ont écrit ça Je remercie Jean-Bernard (Le Boucher, responsable du programme Skipper MACIF) et Bertrand Delignon (directeur régional Val de Seine Picardie). Lors de la sélection Skipper MACIF en 2009 (qu’il a gagnée), ils étaient dans le jury. Ce sont des personnes importantes dans le projet monocoque 60 pieds, projet qu’on a construit ensemble. Plus généralement, si on effaçait tout ce qui a été écrit dans le bateau, je pense que je serais à peu près capable de tout réciter par cœur. C’était important d’avoir ces messages. »

Brosse à dents

« Les petits carrés noirs et rouges correspondent au brossage de dents. Tout le monde se fout de ma gueule. Je n’ai jamais eu de problèmes de dents depuis 28 ans, mais sur mon Figaro (monocoque de 10,10m), j’ai eu mes premières caries. Parce qu’on ne se brosse pas bien les dents, qu’on est cramé physiquement même si le corps surmonte les problèmes. Sur un Vendée Globe, si on a un souci aux dents, ça peut vite mal tourner. Vu qu’en mer on n’est pas rythmé comme à terre où on se brosse les dents avant d’aller se coucher, ces marquages permettent de ne pas oublier le brossage. Quand on est dans notre truc, qu’on fait de petites siestes, souvent on est cramé donc on se dit : je me brosserai les dents plus tard. Puis on oublie un peu la notion du temps et on se retrouve parfois à ne plus le faire pendant 48h. A chaque fois que je le faisais, je mettais une barre. 89 fois je crois (en 78 jours de mer). »

Henriette et Hugo


« Il y a des mots en norvégien (pays d’origine de sa compagne, Henriette). J’en comprends quelques-uns mais je préfère les garder pour moi. Les chiffres J 17, 26 … (à gauche sur la photo), c’est pour les vêtements, je savais à peu près où je pouvais trouver de nouvelles fringues. Henriette m’a envoyé pas mal de mails, c’était sympa. C’est pratique les mails, on les lit quand on veut. Je répondais à certains mais c’est difficile d’écrire sur le bateau. Henriette m’envoyait des photos d’elle et d’Hugo, ça permettait de voir comment il grandissait. C’était agréable à suivre. Quand Henriette est montée à bord dans le chenal à l’arrivée, il n’y a pas eu besoin de se parler. Ca ne passe pas par les mots. Faut juste profiter. Mon fils, je l’ai retrouvé juste avant la conférence de presse. Je ne suis pas sûr qu’il comprenait qui j’étais. Mais plus tard, il a compris. C’était super de le retrouver. Certes, on ne voit pas notre petit bout pendant trois mois mais, quelque part, on a la chance, le luxe, le privilège de vivre ces moments de retrouvailles. C’est hyper fort. Pour lui aussi. »

(Article extrait de L'Equipe du Lundi 4 Février 2013)



Pour ceux qui aiment le foot ... et François Gabart ! (donc ... moua !)

Dans un communiqué, la Ligue de football professionnel a annoncé lundi que François Gabart, vainqueur du Vendée Globe à la barre de Macif, et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire), 2e à 3h17, donneront le coup d’envoi de la finale de la Coupe de la Ligue entre Saint-Etienne et Rennes, le 20 avril prochain au Stade de France. Il y a quatre ans, après sa victoire dans le Vendée Globe 2008-2009, Michel Desjoyeaux avait fait de même lors de la finale Bordeaux-Vannes.
« C’est un grand plaisir et je remercie la Ligue pour cette invitation, s’est réjoui François Gabart. Je suis vraiment ravi d’être de la partie pour vivre cette belle soirée de football et être ainsi au cœur d’un événement aussi populaire. Je m’attends à une grosse ambiance au Stade de France. A tous points de vue, cette rencontre sera une première pour moi ! J’aime le sport et je suis son actualité mais je n’ai jamais eu l’opportunité de voir un match dans un grand stade. J’ai hâte d’y être ».
De son côté, Armel Le Cléac’h, supporter du Stade Rennais, apprécie également l’invitation : « Je remercie la Ligue pour cette invitation. Je suis très heureux de pouvoir donner le coup d’envoi de la finale de la Coupe de la Ligue. N’ayant jamais eu l’occasion de venir au Stade de France, cela constituera une grande première et un moment inoubliable. Lorsque j’étais en mer, on m’envoyait tous les jours des infos sur l’actualité sportive et j’étais très désireux de connaître l’affiche de la finale. Ce match opposera deux clubs historiques qui ont l’ambition de retrouver l’Europe. Je m’attends à vivre une très belle soirée. »




Le vainqueur du Vendée Globe et son dauphin ont achevé cette semaine leur tournée médiatique.

François Gabart a franchi l’arrivée en vainqueur aux Sables-d’Olonne le 27 janvier, mais c’est symboliquement jeudi soir après l’enregistrement de « Salut les terriens » diffusé samedi soir sur Canal +, que son Vendée Globe s’est achevé.
Place désormais à quelques jours de vacances pour celui que l’on aura vu également samedi matin en compagnie d’Armel Le Cléac’h, son dauphin sur l’eau, dans « Thé ou café » sur France 2.

Depuis qu’ils ont posé le pied à terre, le skipper de MACIF et celui de Banque Populaire ont vécu 10 jours presque aussi intenses qu’en mer : duplex télé le soir de leur arrivée, matinales, soit une dizaine d’émissions chacun à Paris, dont « le Grand et le Petit Journal » de Canal +, « On n’est pas couché » sur France 2, « Le Grand 8 » sur D8.
Si physiquement, ils n’ont pas piqué du nez (« J’étais encore pris par le rythme et le stress de la course », dit Le Cléac’h), après 78 jours de solitude en mer, la transition fut « un peu brutale ».
« Je viens de passer de la durée la plus longue que j’aie jamais connue physiquement seul, à 10 jours pendent lesquels j’ai croisé le plus de monde de toute ma vie, livre Gabart. C’est un peu déroutant, mais ce n’est pas désagréable. »

Déjà deuxième il y a quatre ans, Le Cléac’h avait anticipé l’exercice. «  Le dernier jours, j’ai consacré un peu de temps à me préparer aux questions sur les raisons d emon échec. » Gabart a lui été « parfois un peu surpris ». De retour de son premier Vendée Globe, il était loin d’imaginer qu’il serait amené à se positionner publiquement sur la question du mariage pour tous, à la suite de la polémique née du choix éditorial de BFM TV de couvrir longuement l’arrivée du Vendée au détriment de la manifestation.
Et puis on peut être un excellent communicant, mais ne pas avoir envie de s’étendre à une heure de grande écoute sur sa libido pendant trois mois en mer !...

(Article l’Equipe du samedi 9 février, Barbara Rumpus)




Dimanche 3 Février 2013


On ne rigole pas avec le physique

Un Vendée Globe est une véritable course d’endurance. A l’image d’un athlète qui s’entraîne pour son prochain marathon, les skippers qui s’attaquent à l’Everest de mers suivent une préparation physique très importante, parallèlement à la préparation de leur bateau.
Avant de s’attaquer à l’Everest des mers, il faut y être préparé. Mentalement, bien sûr, mais aussi et surtout, physiquement. Pour réaliser une performance telle que celles de François Gabart ou Armel Le Cléac’h, pour ne citer qu’eux, le bateau a certes un rôle important, mais le bonhomme doit être opérationnel pour pouvoir le ramener à bon port. Malgré ce que Tanguy De Lamotte veut nous faire croire en dansant le « Tangam Style », pour mener ces Formule 1 des mers il faut être affûté. « En voile, c’est vrai que l’on est souvent assis mais il y a des moments où il faut tout donner, d’un seul coup, explique le Docteur Jean-Yves Chauve, médecin officiel de la course. Si on n’a pas la capacité respiratoire pour assumer ça, cela complique les choses. C’est un sport athlétique et il faut être vraiment très en forme. »
Avant de quitter les Sables-d’Olonne, le 10 novembre dernier, le skipper d’Initiatives-Cœur s’est entraîné intensivement. Un petit tour à la montagne pour aller faire du vélo, une dose de natation et surtout, deux triathlons, voilà la recette miracle de Tanguy pour être au top physiquement avant d’aller défier les océans du globe. Si Tanguy s’est fait son petit plat maison, d’autres, comme François Gabart, Armel Le Cléac’h ou encore Vincent Riou, ont fait appel à un chef renommé en la matière : Bernard Jaouen, préparateur physique du Pôle Finistère Course au Large de Port-la-Forêt. Le Pôle propose ce programme « depuis 2006 à la demande de certains Vendée Globistes qui se sont aperçus qu’il y avait de plus en plus de contraintes physiques et énergétiques sur leurs bateaux », précise ce dernier.

Des skippers cyclistes

Le programme de Bernard Jaouen est axé sur deux points : « Dans un premier temps, on insiste sur tout ce qui est prophylactique, préventif. Dans un deuxième temps, on essaye d’optimiser la performance. Pour ce qui est de la prophylaxie, l’entraînement est basé sur un gros travail de proprioception, un travail d’équilibre par le déséquilibre. En termes d’optimisation de la performance, on travaille sur la forme du skipper dans son ensemble, on a carrément des contenus d’haltérophilie. » En développé-couché, nos valeureux skippers arrivent à soulever jusqu’à « 110 kg sur une répétition ». « Mais on travaille aussi énormément tout ce qui est cardio-vasculaire avec un programme adapté, le plus proche possible de la réalité. On a des entraînements à la colonne de winch. »
Enfin, que ce soit Tanguy De Lamotte lors de ses triathlons, Dominique Wavre à l’occasion d’une virée dans le sud de la France ou Jean-Pierre Dick, qui ne faisait pas un déplacement sans son vélo pendant les trois semaines d’ouverture du Village Vendée Globe avant le départ, ils ont été nombreux à jouer les cyclistes avant de prendre la barre de leur monocoque. Pourquoi ? « La course au large est un sport où le périmètre de déplacement est faible donc on a tendance à perdre de la masse musculaire au niveau des membres inférieurs. Beaucoup de skippers insistent là-dessus et renforcent leurs membres inférieurs en prévision de cette fonte musculaire, donc ils font du vélo, de la course à pied… », répond Jean-Yves Chauve. Après ses nombreuses montées au mât tout au long de la course, Jean-Pierre Dick, également fervent adepte de la natation, n’était sans doute pas mécontent d’avoir choisi cette option.

(Article Grégoire Duhourcau, extrait du site officiel du Vendée Globe)



Quel avenir pour les bateaux du Vendée Globe ?

Pendant un Vendée Globe, il n’y a pas que les skippers qui souffrent. Les bateaux sont, eux aussi, très sollicités et leur retour le long des pontons de Port Olona, après trois mois de navigation en continu, rime presque toujours avec bichonnage. « On a commencé par faire un gros nettoyage du bateau et puis une vérification complète, de la tête de mât au bout de la quille, pour vérifier qu’il n’y avait pas de problème majeur », explique Ronan Lucas, Team Manager de Banque Populaire. En fin de semaine prochaine, le monocoque sera ensuite convoyé à Lorient et sorti de l’eau pour « un chantier de remise en configuration ».

Du côté de MACIF, le programme est assez comparable. « Depuis l’arrivée du bateau, on l’a vérifié, on l’a nettoyé et il va rester aux Sables d’Olonne jusqu’à mercredi ou jeudi prochain pour se reposer un petit peu avant de repartir en convoyage vers Port-La-Forêt. On va le sortir de l’eau le 14 ou le 15 février pour entamer un chantier d’optimisation », confie Antoine Gautier, Responsable Technique du projet MACIF.

(Photo Olivier Blanchet)

Destins différents

En revanche, les deux bateaux ne sont pas voués au même destin. Le monocoque de François Gabart, vainqueur du Vendée Globe, va être préparé « en vue de la Transat Jacques Vabre à la fin de l’année et surtout, pour la Route du Rhum en novembre 2014, qui est le prochain objectif majeur du bateau ». MACIF gardera donc le plus jeune vainqueur du Vendée Globe (29 ans) à sa barre encore quelques temps.

On ne peut pas en dire autant du 60 pieds Banque Populaire dont l’histoire avec Armel Le Cléac’h touche à sa fin puisque « le bateau est à vendre ». La séparation avec son fidèle destrier, à bord duquel il a bouclé un tour du monde en 78 jours, 5 heures, 33 minutes et 52 secondes, sera sans aucun doute très émouvante pour Armel. Le relation entre un skipper et son bateau est forcément très particulière. Le simple fait que les skippers, Armel Le Cléac’h en tête, utilisent les pronoms « on » ou « nous » pour faire référence à la paire bateau/marin en est la preuve la plus évidente. « Peu importe le bateau, on a un petit pincement au cœur, d’autant plus qu’on a été sur ce projet-là dès l’origine, qu’on a pu construire le bateau. Plus on y passe de temps, plus on y tient », souligne Ronan Lucas.
Le prochain propriétaire de l’actuel 60 pieds Banque Populaire pourra compter sur un bateau bienveillant, près à vivre une nouvelle histoire.

(Article de Grégoire Duhourcau, extrait du site officiel du Vendée Globe)





Vendredi 1er Février 2013



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Articles du journal La Charente Libre du 28 Janvier 2013


























Articles de La Nouvelle République du 28 Janvier 2013






Articles du Journal Ouest France du 28 Janvier 2013






Articles du Journal Ouest France du 29 Janvier 2013











 












Articles du journal Sud-Ouest du 28 Janvier 2013 



 














Articles du Courrier de l'Ouest du 29 Janvier 2013





(Article du Parisien)

(Article du Figaro)


(Article du Figaro)

(Article de Libé)





Mardi 29 Janvier 2013


Ils refont le monde



Pour l’Equipe, François Gabart et Armel Le Cléac’h revisitent le duel qui les a fait passer 
sous les 80 jours autour du monde.

Comme la veille en course, Armel Le Cléac’h est arrivé après François Gabart au rendez-vous, hier après-midi. « Mais moi, j’en ai deux à faire manger ! », a-t-il lancé en guise d’excuse, référence à ses enfants, Louise (5ans) et Edgar (2ans). Ses yeux en Zip confirment une courte nuit au cours de laquelle le skipper de Banque-Populaire (35 ans) a été le roi de la piste de danse, intenables sur les tubes de Claude François : « C’est les filles qui sont venues me chercher. J’ai dû finir à 2h30. C’est raisonnable. » François Gabart (29 ans), lui, affiche son éternelle mine pleine de fraîcheur. « J’étais explosé. Je suis vite allé me coucher. C’était chouette et extraordinaire de partager, mais épuisant », justifie le skipper de MACIF, plus jeune vainqueur du Vendée Globe dans le temps record de 78j 2h 16’40’’. Et avec le plus petit écart de toute l’histoire du tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance : 3h 17’12’’ d’avance sur Armel Le Cléac’h, déjà deuxième en 2009 derrière Michel Desjoyaux.

Comment se sont-on au lendemain de l’arrivée du telle course ?
Armel Le Cléac’h : On décompresse un peu après un stress permanent de 80 jours, 24h/24. C’est difficile à vivre : écouter le bateau, attendre les classements, les fichiers météo … Et là, on passe à autre chose, avec toutes les sollicitations la transition est vraiment brutale. Heureusement, on est un peu porté par les gens qui nous entourent, sinon on n’y arriverait pas. (Rires) On profite aussi car ce sont des moments sympas après deux ans de travail. Dans quelque semaines, on passera à autre chose, ce sont des moments à savourer.

Et vous François ? Fier, soulagé, heureux ?
François Gabart : Hyper soulagé, c’est sûr car on a une pression sur les épaules pendant près de trois mois qui ne s’arrête jamais. Sur le Vendée Globe, tu peux construire une victoire ou une deuxième place en 78 jours, mais tu peux aussi la perdre en 10 secondes. Tu peux faire une connerie et ça peut s’arrêter. Et ça, ça pèse.

Quand vous êtes-vous dit : « C’est bon, c’est gagné » ?
François Gabart : Sur la ligne d’arrivée.

Pas avant ?
-         François Gabart : Non, pas avant. Le matin, quand le jour s’est levé j’ai comme Mais je tombé dans une molle (zone sans vent) une heure avant la ligne et je suis allé voir le classement pour voir où tu en étais Armel. Bon, tu étais à 75 milles, je me suis dit que j’allais quand même y arriver !
-         Armel Le Cléac’h : Je savais que c’était plié. Mais je me suis quand même dit : « Si j’avais été plus près, à une quarantaine de milles, pourquoi pas ? » Mais tu as sans doute géré ta course différemment sur la fin, tu as peut-être ralenti.
-         F.G : oui, j’ai levé le pied.
-         A.LC : Ca se voyait sur les classements, j’étais un peu plus rapide car je voulais arriver avant la marée (pour pouvoir entrer dans le chenal dès dimanche soir). Mais je savais que c’était fini.

Quand avez-vous su que c’était fichu pour la victoire ?
A.LC : Après le pot au noir, quand c’est reparti par devant. Je voyais les routages qui nous laissaient passer l’anticyclone des Açores assez facilement. Je me mettais à sa place, je voyais bien qu’il allait contrôler.

A cet instant, que se passe-t-il dans votre tête ?
A.L.C : On se dit tout de même que ce n’est pas terminé car il peut y avoir des problèmes techniques, qu’on ne souhaite pas bien sûr car on ne veut pas que la course se joue là-dessus. Mais on sait que c’est le Vendée Globe et qu’il peut donc se passer plein de choses. On peut  On continue à fond mais on se dit que ça va taper des trucs, casser une pièce importante. On se dit de ne pas lâcher le morceau parce que ce n’est pas fini.

Et pour vous François, cette fin de course a-t-elle été aussi compliquée ?
F.G : La dernière nuit, on a pris 35-40 nœuds pendant quelques heures, avec une mer pas facile. Des cargos, des chalutiers, des baleines, les billes de bois qui traînent dans le golfe de Gascogne. Je n’avais qu’une peur, c’était de taper quelque chose. Après l’anticyclone des Açores, je me suis posé la question de savoir si je commençais à ralentir pour justement préserver le matériel. Et finalement, j’ai décidé de continuer à avancer au moins jusqu’à la nuit précédant l’arrivée car il valait mieux avoir 80 milles d’avance au cas où j’aurais tapé quelque chose. Ca laissait deux à trois heures pour bricoler.

Armel, comment réagissez-vous en voyant François gagner dès son premier Vendée Globe, alors que vous êtes à nouveau deuxième. Vous le maudissez ?
A.L.C : Non. Je m’en suis un peu voulu car, oui, il y a de la déception, je ne vais pas mentir. J’étais venu pour gagner. Préparer ce genre d’épreuve, c’est un gros travail. Il y a de la déception quand on sait qu’on ne passe pas très loin de la victoire. Mais je suis très content pour François. On se côtoie à l’entraînement, il a gagné la transat B to B (sa première transat en solitaire en 60 pieds, fin 2011 entre Saint Barth et Lorient), ça montrait qu’il n’étais pas en retard. Au contraire. Pour moi, c’est comme ça, c’est le jeu. Il faut faire avec. Il y a une majorité de choses positives, j’ai beaucoup appris, j’ai été meilleur qu’il y a quatre ans, en vitesse, en gestion de course. C’est peut-être dans la défaite qu’on apprend le plus. Cette histoire de petit coup météo que j’ai raté (au large du Brésil) m’a fait perdre la course. Il faudra le retenir pour la suite.

François, avez-vous pensé à ce qu’Armel pouvait ressentir ?
FG : Non. Les deux grandes courses que j’ai faites dans ma vie, c’est la Solitaire du Figaro en 2010, qu’Armel gagne et où je suis deuxième, et celle-ci, où c’est l’inverse. Je l’ai vécu en 2010, même si c’était différent car Armel avait clairement dominé la course, ce n’était pas serré comme sur ce Vendée Globe. Je débarquais en 2010, je n’avais pas l’ambition de gagner la Solitaire, contrairement à Armel sur ce Vendée.

Dans une vidéo, Jean Le Cam a dit : « Là où je ne vous félicité pas, c’est de nous avoir ridiculisés. Je vais faire quoi maintenant ? Tondre ma pelouse avec mon tracteur ? » Que vous inspire sa réflexion ?
-         F.G : Jean est énorme ! J’avais beaucoup suivi ses vacations sur le Vendée 2004-2005. Il m’avait fait beaucoup rire.
-         A.L.C : (s’adressant à Gabart) Tu vois, on a encore des choses apprendre pour être à l’aise devant les caméras ! Il n’y a que Jean pour faire ça ! Il n’a pas eu les mêmes moyens que nous pour se préparer. On a des bateaux plus récents, alors heureusement qu’on est devant. T’imagines s’il nous avait mis 10 jours !

Dans le cadre du Vendée, vous êtes les premiers à descendre sous les 80 jours. Comment l’expliquer ? Par votre mano a mano ?
-         Ensemble : Ca aide, c’est sûr.
-         A.L.C : Si l’un de nous deux avait été devant avec un peu d’avance, on n’aurait pas forcément tenu ce rythme, dans les mers du Sud notamment. Etre au contact, ça booste. On va envoyer la toile plus vite, faire des routages plus serrés. A un moment, on s’est parlé à la VHF pour évoquer un passage de porte (des glaces), on se voyait à l’AIS (système de détection automatique) , il fallait empanner.Tout seul, tu fais ta manœuvre tranquille. Là, on l’a fait comme à l’entraînement à Port la Forêt. Alors que j’étais devant toi François avant d’empanner, tu étais passé devant après la manœuvre ! (Gabart éclate de rire). Tu m’as repris un demi mille.

De l’extérieur, ce duel était d’une intensité folle …
-         F.G : (il coupe) Pour nous aussi c’était fou ! Tu essaies de te battre pour gagner ce demi mille. Tu fais ça tout le temps. Avant le départ, je m’étais dit que j’allais partir dans mon rythme, gérer les mers du Sud jusqu’au cap Horn, et si tout était nickel au Horn, là j’attaquais ! Mais on a commencé à attaquer un peu avant et c’était parti !
-         A.L.C : Par rapport à il y a 4 ans, il n’y a pas eu de break, de moment de répit où, avant d’envoyer de la toile, tu te disais : « Je le ferai dans deux heures parce que là je suis un peu naze ». Là, on ne pouvait pas.


Avez-vous conscience que vous avez fait basculer le Vendée Globe dans une régate entre trois caps ?
F.G  C’est peut-être l’évolution normale de la course.

Encore faut-il être capable de tenir ce rythme tout le temps …
-         A.L.C : Nous nous sommes bien préparés à ça. Par rapport au précédent Vendée, nous sommes montés d’un cran. A l’entraînement, on a fait des nuits en mer à un rythme soutenu où toutes les cinq minutes tu vas voir pourquoi le voisin va à un nœud plus vite. Du coup, quand nous sommes partis, on savait que ça allait attaquer mais je me disais qu’il y aurait des moments où ça allait mollir. Et finalement, ça n’a pas été le cas.
-         F.G : Comme nous étions pris dans un rythme, nous n’avions pas de pause.
-         A.L.C : C’est plus dur physiquement, mentalement, mais finalement, ça passe vite. J’ai moins ressenti la durée de la course qu’il y a quatre ans.

Donc désormais, si l’on a plus de 35 ans, on ne peut plus espérer gagner le Vendée Globe ?
-         A.L.C : (En souriant) Nooon.
-         F.G : Sérieusement, la contrainte physiqu est bien plus importante qu’il y a quatre, huit, douze ou seize ans. Plus que les bateaux qui évoluent, c’est la façon dont on les mène. Je me suis fait la réflexion plusieurs fois : avec Armel, on fait partie des mecs les plus préparés physiquement ? On a arrive à tenir ce rythme. A plusieurs moments, j’étais content d’avoir la forme.
-         A.LC : C’est sûr qu’avec l’âge, c’est de plus en plus difficile. C’est l’évolution logique du sport. Il est certain qu’entre un mec qui met plus d’une heure pour matosser (déplacer le matériel dans le bateau pour le rééquilibrer) et toi qui mets une demi-heure de moins en étant capable d’enchaîner, ça jour.

Le fait de vous entraîner ensemble vous a-t-il permis de lire le jeu de l’autre ?
F.G : Oui, un peu. On a beaucoup parlé des voiles mais on savait quelles voiles l’autre avait embarquées. On a les mêmes bateaux donc tu vois bien que, dans les mêmes conditions météo, si l’autre à côté va à un nœud plus vite, il faut le truc pour aller plus vite. On ne pouvait pas se cacher puisque, avec Armel, on a les mêmes bateaux.

Vous avez communiqué entre vous, par mails ou VHF, pendant la course. Etait-ce pour récupérer des infos l’air de rien ?
A.L.C  Quand il a fait son record (534 milles en 24h entre les 9 et 10 décembre), j’ai dit bravo, je voulais savoir pour la voile. Je me doutais qu’il y avait un truc. Je veux bien prendre 20 milles par jour, mais je veux savoir pourquoi. O.K il faut faire avec et trouver un moyen pour gratter des milles.

Pourquoi n’avez-vous pas plus communiqué après le cap Horn ?
-         A.L.C : On n’a pas eu de moment de répit.
-         F.G : J’étais tellement dans un mode compétition, je n’avais pas trop le temps pour penser à autre chose, je n’appelais pas grand monde. Je n’allais pas envoyer un mail à Armel pour parler de la pluie et du beau temps. Tout ce qu’on voulait, c’était aller le plus vite possible. Le plus bel et le plus riche échange qu’on avait, c’était cette bataille.

Avez-vous parfois volontairement évité de répondre aux vacations quotidiennes ?
F.G : Quand j’étais vraiment cramé, qu’il fallait que je dorme, je prévenais avant en disant « Là, ce n’est pas possible, je vais dormir ». Du coup, je n’ai jamais répondu à une vacation quand j’étais archicramé.

Et vous Armel ?
A.L.C : Je n’ai pas loupé beaucoup de vacations. Mais c’est sûr que quand François a fait le break, les « bon alors, t’en penses quoi ça va être difficile », au bout d’un moment t’as envie de parler d’autre chose ! C’est le jeu mais ça énerve.

Et maintenant, tous les deux, vous avez envie de quoi ? De vacances ?
-         F.G : J’ai envie de choses simples. Le plaisir du confort de la vie terrestre, le lit, la douche. Mais les vacances, ce n’est pas pour tout de suite, je dois monter à Paris pour les médias.
-         A.L.C : Prendre du temps avec mes enfants. On part à Paris demain (aujourd’hui) jusqu’à vendredi. Vivement le week-end pour se poser à la maison, aller chercher les petits pains au chocolat.

Armel, vous l’avez vécu il y  a quatre ans, ça prend du temps de retrouver un rythme de terrien ?
-         A.L.C : Oui, car après les sollicitations médiatiques, il y a celles du sponsor. A un moment, ça va un peu saturer de ne parler que du Vendée Globe.
-         F.G : (Hilare, s’adressant à Le Cléac’h) C’est pour ça que tu fais la Solitaire (du Figaro, en juin) comme ça tu passes vite à un autre dossier. Je n’avais pas pensé à ça ! C’est la tactique. Tu peux justifier que tu n’es pas dispo à cause des entraînements alors que moi j’ai du temps jusqu’à la Transat Jacques Vabre (en novembre prochain).

Avez-vous une idée de votre co-skipper pour la Jacques Vabre ?
F.G : Oui, j’ai des idées, mais vous verrez. Armel, ? (Eclat de rire général)

Armel, votre projet Solitaire du Figaro va-t-il vous aider à évacuer la déception de cette deuxième place ?
A.L.C : Oui. Sur les derniers jours de course, j’ai commencé à regarder le parcours quand on est passés au large de Bordeaux (ville de départ). Ca va me permettre de switcher car quand je vais rentrer chez moi, la frustration de la deuxième place va revenir. Mais bon, la vie continue. Et puis, j’a hâte d’aller naviguer sur le multicoque (ancien Groupama 3) pour disputer la route du Rhum en 2014.

François, gamin, votre rêve était de devenir champion olympique. Le Vendée en poche, àa peut vous retrotter dans la tête ?
F.G : Pas sur du court terme. Il y a encore de belles choses à faire en course au large. Comme la route du Rhum en 2014, que je n’ai jamais courue en 60 pieds. C’est un bel objectif. Après on verra.

( Article de Anouk Corge, extrait de L'Equipe du mardi 29 Janvier 2013)



François Gabart a remporté hier la 7e édition du tour du monde à la voile en solitaire, pulvérisant le record de l’épreuve.

Vendée Globe : 
la barre est haute

C’est beau comme l’invraisemblable : 78 jours pour faire le tour du monde en solo sur un monocoque. Cette 7e édition, ornée d’une préface de Michel Desjoyaux, qui fut son mentor sur ce projet MACIF, vaut à elle seule qu’on achète ce roman du large, certes retravaillé par l’édition Mer agitée, la maison mère de l’écurie Desjoyaux, le Gaston Gallimard de la course.
« Gabart me fait penser au type qui envoie son premier roman par la poste et qui remporte le prix Goncourt, avance Thomas Coville, ancien concurrent du Vendée Globe et skipper du maxi Sodebo. En 4 ans, il n’a pas été confronté à l’échec comme nous tous, mis à part le démâtage avec Michel Desjoyaux sur la Barcelona World Race (en 2011, ndlr). En fait, il n’a pas connu la probation, les années où l’on redouble, les remises en question ».
Toujours Coville : « En plus, François a totalement fracassé les modèles qui étaient les nôtres depuis 20 ans : on conçoit et ensuite on se colle à l’épreuve. Lui a délégué à Michel Desjoyaux la conception, et s’est concentré sur la performance, ce qu’il savait admirablement faire. Cette victoire nous oblige donc à revoir nos schémas. Elle aura des conséquences sur nos façons de faire. »

CRIMINEL. Que dire de cette victoire du plus jeune ? Que la réforme de l’orthographe du large est en cours, sous la dictée du jeune maître. Elle va de pair avec la réforme de la communication : tout ce que touche Desjoyaux est transformé en or.
François Gabart boit peu, ne fume pas, et fréquente les hommes utiles, surtout ceux qui ont le cheveu fin, la pomme d’Adam saillante et qui sont secs comme Michel Desjoyaux. Ce mammifère marin de 29 ans est capable de remplacer une valve cardiaque sur un injecteur diesel en discutant de la pluie et du beau temps, en anglais sur CNN, au passage du cap Horn. Ce type tirant sur le blond vénitien, marin à l’intelligence extrêmement vive, trie ses idées puis les repose sur la menuiserie de sa pensée. C’est un impitoyable et un doux, qui a hier livré une part de lui-même comme s’il avouait qu’il souffrait d’un durillon.
Qui est ce Gabart ? Un bébé criminel qui a tué la course d’un coup sec, en renvoyant la concurrence quinquagénaire (Golding, Le Cam, Wavre) à la maison de repos,avec un plaid à motifs écossais et infusion fumante sur le guéridon du salon. Un type qui a dompté ce dur à cuire d’Armel le Cléac’h, dit pourtant « Le Chacal », dont les canines ont été limées.
Difficile à croire : « On a monté considérablement le niveau de la course, puisque je gagne 10 jours par rapport à il y a quatre ans, constate Armel Le Cléac’h. Ca a été une belle partie de tennis où Gabart a fait le break et dans laquelle je perds 6-4 au cinquième set. Ca a été difficile de revenir sur lui, c’est un bon marin … » Hier, Banque-Populaire franchissait la ligne 3 heures après le vainqueur, à la nuit tombée : le plus faible écart jamais enregistré dans cette épreuve.


CANTATRICE. Quand Gabart a touché terre auparavant, à la mi-journée, c’était une danse hindoue sur les quais, une liturgie qui flanque la trouille à Titouan Lamazou, premier vainqueur du Vendée Globe : « Quand je le revis, je me dis que ça fait une drôle de sensation de remettre pied à terre ».
François Gabart est alors une bête qui craint le sol. Il finit par tâter la terre comme si c’était de l’eau bouillante. Ses grands cils de demoiselle sont humides des quelques pleurs qui lui sont venus quand la foule a crié son nom dans le chenal, en ce dimanche gris souris.
On mettra aussi les larmes sur le compte de l’Avé Maria de Gounod, chanté sur le pont de son bateau par une cantatrice qui l’a foudroyé, le visage dans les mains, prenant conscience de la chose enfin réalisée : « Je me suis surpris moi-même sur cette course et j’avoue que ça fait un moment que je me surprends. Ca a été une galère de tous les jours et j’ai la chance que ces galères ne me soient pas arrivées au même moment. Je ne savais pas que j’avais cette énergie-là … »
Tout cela est dit sans affect sur un ton aimable. Gabart a donné l’impression de compter les moutons comme Saint-Exupéry. Puis de multiplier le nombre de pattes, de les diviser ensuite pour arriver à 78 jours et 2 heures, un total qui le place au sommet du large.

« RETRAITE ». « Bon partout, complet dans toutes les matières. J’ai passé deux jours avec lui avant le départ aux derniers entraînements à Port la Forêt : il était facile sur toutes les manœuvres, devant tout le monde, sans peine, sans angoisse, avec un immense plaisir. Ce qui me rassure, c’est qu’il n’y a qu’un Gabart. Sinon, on peut tous partir à la retraite, nous, les ancien », prédit avec inquiétude Roland Jourdain, 49 ans, 3e en 2000 avant d’abandonner dans les deux éditions suivantes. Le troisième, Alex Thomson (Hugo Boss) est attendu aux Sables demain ou mercredi. Il a repris sa route après avoir assisté Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec 3) lors du passage d’un front au large des Açores. Loin derrière, Jean Le Cam (SynerCiel) et Mike Golding (Gamesa) sont attendus dans une dizaine de jours.
A l’attention du vainqueur, Jean Le Cam écrivait hier une belle lettre de félicitations : « Tu nous as spontés [humiliés, en breton], on en est les bras ballants . » C’est bien la preuve qu’il y a encore des marins qui font des phrases.

(Article de Jean-Louis Le Touzet, extrait du journal Libération du Lundi 28 Janvier 2013)



« C’était juste fou »



François Gabart, après 78 jours de solitude,
a été surpris par la ferveur qu’a suscitée
son arrivée victorieuse aux Sables-d’Olonne.

Décontracté, souriant malgré la fatigue, et accessoirement pieds nus, Fançois Gabart s’est présenté en conférence de presse, hier après-midi, une heure après avoir amarré MACIF, son compagnon de voyage pendant 78 jours. C’est d’ailleurs avec émotion qu’il a évoqué son bateau, « qui lui a été fidèle », et sa course incroyable vécu à cent à l’heure.

A 29 ans, vous devenez le plus jeune vainqueur du Vendée Globe. Cela vous étonne-t-il ?
Oui forcément. En même temps, ça fait pas mal de temps que je me surprends. Je ne sais quand cela va s’arrêter. J’ai enchaîné les problèmes, je ne pensais pas que j’en serais capable. Mais chaque jour tu t’y remets, et je sais maintenant que si j’y retourne, je serai capable de le refaire. J’ai appris surtout que les difficultés permettent de se découvrir.

Pouvez-vous nous dire quels ont été ces ennuis ?
Pas mal de petites choses. Après seulement cinq ou six jours de mer, j’ai connu des problèmes de moteur. J’ai connu le même souci sur ma dernière Transat Jacques Vabre. L’eau s’est infiltrée, la pompe à injection ne marchait plus. Je m’étais posé la question d’en prendre une de rechange, mais je ne l’ai finalement pas fait. J’ai donc dû réparer et vidanger. J’ai eu le temps de le faire et j’ai réalisé que ça m’avait rendu plus fort.

Selon vous, où s’est fait la différence avec Armel Le Cléac’h ?
Après le cap Horn. Nous avons fait deux choix différents. Je suis chanceux d’avoir fait le bon.

Pour la première fois, vous avez affronté les mers du Grand Sud. Redoutiez-vous cette découverte ?
J’allais évidemment dans l’inconnu, je m’étais bien renseigné avant le départ grâce à Mer agitée et Michel Desjoyaux. J’ai ainsi réussi à faire face. Ce qui m’a peut-être surpris, ce sont les successions de dorsales. Le Vendée Globe, c’est assez simple finalement : t prend des coups de vent, tu casses des choses, tu prends des notes et tu attends que ça passe. Dès que le vent mollit, tu en profites pour réparer avant le coup de vent suivant. C’est pendant les coups de vent que tu te reposes car tu ne peux rien faire sur le bateau, sauf t’asseoir et attendre que ça passe.

L’adrénaline vous a-t-elle aidé à boucler votre tour ?
L’adrénaline, j’en ai pris un paquet, plus que de raison. A part ça, le mot « passion » est presque trop faible. Ma fascination pour cette course m’a juste fait avancer plus vite.

Aujourd’hui, seriez-vous prêt à repartir pour un nouveau Vendée Globe ?
Je ne sais pas. J’ai besoin de temps pour respirer, de dormir deux ou trois nuits. Si on m’avait dit « Tu pars », il y a deux ans, même sur un Optimist, j’aurais trouvé ça très bien. Aujourd’hui, les choses sont différentes. Je ne repartirai pas dans n’importe quelles conditions. Il faut en avoir l’envie profonde ; autrement, le Vendée Globe est un vrai calvaire, ce serait dangereux et une vraie bêtise. Là, tout de suite, je ne l’ai pas. Ca viendra ou pas.

Pourquoi êtes-vous pieds nus ?
A l’arrivée, j’ai fait une prise de sang dans le cadre de mon suivi médical. J’ai également fait une pesée en caleçon et je n’ai pas eu envie de remettre mes bottes immédiatement, d’où mes pieds nus. Je n’ai pas maigri, j’ai même pris quelques grammes. Je n’ai pas voulu me rationner. Je suis parti avec des réserves pour 87 jours + 7 jours plus light. On brûle beaucoup de calories sur le bateau, surtout les dernières semaines où il faut cravacher. J’ai un peu piqué dans les réserves sur la fin, rien que pour le plaisir de choisir. Ca fait du bien de picorer un peu partout.

Parlez-nous de votre relation avec votre bateau …
J’ai eu une super relation, et j’ai beaucoup appris en mer. J’avais suivi sa construction un peu comme un spectateur, même si j’ai toujours donné mes consignes et mes envies. Pendant la course, je me le suis approprié, je l’ai senti, j’ai vécu avec lui. Il m’a été fidèle.

Qu’avez-vous ressenti en remontant victorieusement le chenal des Sables-D’Olonne ?
C’était juste fou. J’avais déjà un peu vécu ça il y a quatre ans avec Foncia (de Desjoyaux), j’étais juste devant son étrave. J’y étais préparé, et pourtant cela m’a surpris. Il y avait tant de monde, et là tu te rends compte du nombre de personnes que tu touches. C’est extraordinaire. Je me rends compte que le Vendée va bien avec tout ce public, et s’il n’était pas là, je pourrais me dire que faire tout ça ne sert à rien. Rien que pour cela, ça vaut le coup.

Durant la course, vous êtes resté bien discret sur vous-même ou votre bateau. Etait-ce volontaire ?
Au tout début, j’étais plus dans l’aventure que dans la compétition. Au fur et à mesure, les choses ont changé, surtout quand on a commencé à se tirer la bourre avec Armel. Dans cette logique, tu ne laisses forcément rien à l’adversaire. Quand on ne dit rien, on ne sait rien. Quand il y a une semaine, il est revenu sur moi, ça a été très difficile. Cette logique de ne rien dire n’a pas été facile pour moi, ce n’est pas dans ma nature. J’aurais préféré partager. La compétition veut ça, quand il y a un classement, on garde les choses pour soi.

(Article de Isabelle Taillard-Skhiri, extrait de L'Equipe du Lundi 28 Janvier 2013)




A la rencontre de Gabart

L’Equipe a embarqué avec Michel Desjoyaux, le mentor, et Dominique Gabart, le père de François, partis accueillir « leur » fils prodige.

Le jour s’est levé. Sans une voile à l’horizon. Le noir de la nuit a cédé la place au gris laiteux des grains qui se succèdent. Difficile de retrouver un bateau en pleine mer. Michel Desjoyaux a pourtant tout prévu. Tout calculé. Grâce à un mail, le double vainqueur du Vendée Globe (2001 et 2009) peut avoir la position de son « poulain », François Gabart. Ensuite, il interprète la trajectoire de MACIF.
Et là, rien. Le monocoque est introuvable. Tout le monde est sur le pont. « Cherchez à tribord, commande Desjoyaux. Il devrait être là. » une voix le contredit pourtant. A bâbord. « Je l’ai vu. Il est là-bas ! » Dominique Gabart, le père, vient d’apercevoir au loin, la voile claire du bateau de son fils. Il est pourtant à près de 4 milles (7,5 km). Royala Atlantic, le catamaran de Mer agitée, l’écurie de course de Desjoyaux qui a épaulé Gabart, fonce pleine balle vers MACIF au milieu d’une forte houle avec des creux de 4 mètres.
On découvre le monocoque 60 pieds. Il est 9h10 en ce dimanche, dernier jour de course pour lui. Il lui reste 45 milles à parcourir. Premier regard de Desjoyaux sur le navire et l’homme. Ses yeux pétillent : « Il a mis ma voile magique, la MDTK (pour Michel Desjoyaux Trinquette, une voile que ‘édition 2009 avait inspirée au vainqueur) ».

Des dauphins et un avion pour compagnons

Le catamaran, fort de ses deux moteurs de 300 chevaux, se rapproche encore. On discerne enfin le futur vainqueur, tranquillement affairé à ses opérations ordinaires. Un rapide signe de la main qui ne le déconcentre pas. Son père, pudique, ne se manifeste pas, se contente de prendre quelques clichés. Pas de contact radio. « On le laisse tranquille, déclare Michel Desjoyaux. De toute façon, il n’aura guère été causant sur ce Vendée ; il ne m’a appelé qu’une fois ! » « Moi, je l’ai eu trois fois », rigole fièrement papa Gabart.
François, lui, n’a regardé personne et s’attaque à la toilette de son bateau. Il installe d’abord les dossards, juste à côté du cockpit. Puis passe à la tâche plus rude de remettre les pavillons frappés de la Vendée au bout des outriggers, ces longues barres noires qui sortent du navire.
Un moment, son père craint pour lui avant qu’il ne le voit sécuriser sa manœuvre en s’accrochant. Desjoyaux vient le rassurer. La seule fausse note viendra de ce pavillon remonté à l’envers.
Mais les têtes sont ailleurs. Des dauphins aperçus dans la nuit plusieurs heures plus tôt lorsque l’on cherchait MACIF changent de compagnon : ils quittent le catamaran à moteur pour le monocoque à la voile. Et dans le ciel le Falcon de la surveillance maritime parti de Lorient vient, tous feux allumés, survoler MACIF à moins de dix mètres. Si le temps n’était pas aussi gris, ce serait le paradis. Un coin de ciel bleu revient. On va peut-être y toucher alors ? Desjoyaux intervient, fort de sa science météo : « Le front froid est passé, il va se retrouver sans vent. » Il est 11 heures et la vitesse du bateau commence à chuter : 15, 12 puis 8 nœuds. Le retour gagnant se transforme en calvaire ? Pas sûr, selon Dominique. « Il vient de passer près de 80 jours en mer, tempère, philosophe, le paternel. Il a tout son temps. »


Il est plus de midi et une première embarcation particulière vient, enfin, à sa rencontre. Gabart, encalminé, décide de changer de voile pour installer un solent à la place de son MDTK. MACIF reprend un peu de vitesse. Mais son cap est trop nord et le gamin de 29 ans est condamné à empanner une, deux, trois et même quatre fois pour enfin triompher en frôlant la dernière bouée du parcours, Nouch Sud, celle qui sert de ligne d’arrivée.
A 15h18, les équipes techniques d’abord, puis des ferries venus de villes voisines où la sortie en mer n’était pas interdite, sont venus enfin gonfler le cortège du vainqueur. Les hommes de MACIF montent à bord pour soulager un skipper solitaire depuis 78 jours. Une femme grimpe également. La sienne. Franços et Henriette s’enlacent pendant que les équipes techniques sécurisent le bateau pour l’entrée dans le chenal. Une entrée sous les feux d’artifice. Michel Desjoyaux et Dominique Gabart ont réussi, eux aussi, à rejoindre MACIF. L’un pour finir la journée avec son fils. L’autre pour féliciter son successeur, le temps fugace d’une virile accolade, avant de repartir accueillir Armel le Cléac’h. Une demi-heure plus tôt, le double vainqueur avait les yeux humides lors du passage de la ligne par son protégé. Il s’en était alors sorti par une pirouette « desjoyesque » : « Le Vendée, c’est bien. A la fin, c’est toujours un peu Desjoyaux qui gagne ! ». Ou Mer agitée !

(Article Frédéric Ferret, extrait de L'Equipe du Lundi 28 Janvier 2013)



(Article extrait de l'Equipe du lundi 28 Janvier 2013)



(Article extrait de L'Equipe du lundi 28 Janvier 2013)


(Article extrait du journal Libération du lundi 28 Janvier 2013)


(Article extrait du journal Libération du lundi 28 Janvier 2013)



(Article extrait du Parisien du lundi 28 Janvier 2013)




(Réactions extraites de L'Equipe du Lundi 28 Janvier 2013)




Lundi 28 Janvier 2013



LES UNES DES JOURNAUX























INTERVIEWS DE FRANCOIS



(Extrait du site officiel du Vendée Globe)

Le jour d’après c’est bien

François Gabart (MACIF, vainqueur)

 « 
Le jour d’après, c’est bien. On découvre une nouvelle vie, celle de terrien mais aussi la pression médiatique qui est très forte. Mais ça fait plaisir de revoir tout le monde et de changer un peu. Prendre une bonne douche et un bon repas, c’est agréable. »
(A propos de la remontée du chenal)
« Le chenal, c’est quelque chose d’exceptionnel. On s’y prépare mais on est quand même surpris et bluffé. Il y a quatre ans, j’avais vu ce phénomène mais là, c’était quand même fou. »
(Sur l’actualité)
« Je regardais l’actu sur Twitter. Je trouve ça super pratique pour le bateau. On n’a pas mal d’infos rapidement. Des fois, c’est plus ou moins bien fait mais c’était marrant car par moment, j’avais des infos avant les autres. »
(A propos des bateaux)
« Les bateaux vont bien. Il y a juste des petits problèmes esthétiques. Ils sont un peu fatigués mais ce sont deux très bons bateaux. C’est le fruit de Mer Agitée et de CDK. C’est du très bon boulot. »





(Extraits du site Macifcourseaularge)

François Gabart, quelques minutes après son arrivée : 
« C’est un soulagement énorme ! Jusqu'au bout on ne sait pas ce qu'il peut se passer d’autant que la dernière a été nuit difficile. J'y croyais depuis plusieurs jours mais quand même ! On a de supers bateaux ! En partant, je ne pensais pas jouer la victoire. Mais dans l'Indien j'ai commencé à y croire. C'est une course difficile, mais j'ai essayé de me battre à humeur égale. Je n'ai jamais baissé les bras ou la tête ou juste quelques secondes… Cinq jours après le départ, j'ai eu un petit souci de moteur. C'était un peu dur, mais j'ai réussi à réparer. Le plus difficile c'est la longueur et l'enchainement ! Ca ne s'arrête jamais ! Même dans le Golfe de Gascogne, je n'ai pas été épargné ! C'est le calme qui m'a manqué le plus car on a été bien ce secoués Quelque chose qui ne bouge plus...Et puis biensûr, mes copains, ma copine, mon fils... la vie de terrien ! Merci à Armel Le Cléac’h. C'était exceptionnel ce qu'on a vécu ensemble ! Pour des compétiteurs que nous sommes, vivre une telle confrontation de l’intérieur est un privilège. »

Gérard Andreck, Président du groupe MACIF, partenaire de François Gabart depuis 2009 : 
’Les aventures peuvent parfois dépasser les rêves les plus fous et c’est toute notre histoire avec François. Nous savions que nous avions une pépite avec nous et que ce talent avait toutes les qualités pour bien faire, mais nous ne pensions pas à un tel aboutissement qui résonne au-delà du résultat sportif. François a cette faculté fascinante de fédérer et de conquérir autour de lui. Un rayonnement humain étonnant avec lequel il est difficile de ne pas tomber sous le charme. Vous n’imaginez pas à quel point, même en mer, il a été disponible pour les acteurs internes de la MACIF et le nombre de personnes qui partagent sa joie aujourd’hui.’’


L’émotion de la remontée du chenal :
François Gabart :
« J’étais ici il y a 4 ans dans le zodiac à l’étrave de Foncia (bateau vainqueur de Michel Desjoyeaux). Je pensais être préparé à ce moment mais ce n’était pas vrai. Quand j’ai fini la course, j’ai pensé en compétiteur. Vous ne réalisez pas le nombre de personnes que cette course touche. Nous avons de la chance, le Vendée Globe se porte bien. Il y a du monde qui rêve avec nous et s’il n’y avait pas tout ça, je vous dirais qu’on est fou et que ça ne sert à rien. Quand tu vois tout ça, c’est peut-être de la folie mais ça sert à quelque chose. »

Jouer la gagne :
« Je ne suis pas parti en pensant à la victoire. C’est quand j’ai doublé Armel (Le Cléac’h, deuxième avec Banque Populaire) dans l’Océan Indien, que je marchais bien et que Vincent (Riou, PRB) s’était arrêté que je me suis dit qu’on pouvait jouer la gagne. »

Est-il surpris de sa performance ? :
« Je me surprends moi-même. Sur le Vendée Globe, on découvre des choses sur soi qu’on ne pensait pas avoir. Tu prends des coups durs sur la tête et, au bout de 78 jours, tu te demandes comment tu as fait. Je pense que c’est cette difficulté qui te fait te découvrir toi-même que vont chercher les marins sur le Vendée Globe. »

Que dira-t-il à Armel ? :
« Je lui dirai merci pour toutes ces émotions et ces difficultés qu’il ma causées car c’était la guerre tout le temps. Pour un compétiteur, c’est un réel privilège de vivre une régate d’une telle dimension. »

Sa pire galère :
« Dans le Vendée Globe, il n’y pas une pire galère mais une nouvelle galère chaque jour. Je prends l’exemple de cette dernière nuit difficile dans le golfe de Gascogne avec 40 nœuds. Ce n’était pas simple mais c’était la dernière alors que si il y en d’autres à suivre, l’accumulation devient une vraie galère. »

La prise de risques :
« C’est de la gestion permanente. A la MACIF, on sait gérer les risques et je me retrouve bien avec eux là-dessus. »

Les problèmes techniques qu’il a cachés :
« Le moteur a pris l’eau le 5e jour, après Madère. J’avais des hydrogénérateurs mais quand tu pars sur le Vendée Globe, il ne faut pas griller son backup dès le départ. J’ai réparé seul la pompe à injection, ce qui n’est pas simple. Une fois que j’ai réussi, j’avoue m’être senti encore plus fort. A chaque fois que j’ai résolu un problème, j’en suis sorti grandi, ce gain de confiance m’a aidé à ne rien lâcher. »

Pourquoi a-t-il dissimulé ses difficultés :
« J’étais convaincu que j’allais vivre une aventure que j’allais partager. Ma galère de moteur qui aurait pu devenir une vraie faiblesse m’a fait changer d’avis. A force d’être devant, tout se transforme en pure compétition. Le fait d’être dans cette logique fait que tu ne laisses rien à l’adversaire. C’est trop difficile pour lui concéder quoi que ce soit. Je me suis mis dans une logique qui est presque contre ma nature mais c’est la compétition et c’est la priorité. »

Le rapport à son bateau :
« J’ai une super relation avec mon bateau MACIF dont je suis très fier et je le dis au nom de l’équipe. Au départ, nous étions un peu des étrangers car j’avais suivi sa naissance et sa mise au point en spectateur. Je me le suis approprié pendant la course. Je l’ai écouté, senti, et c’est très chouette de vivre ça. Je suis ingénieur et nous avons l’immense chance dans notre métier de pouvoir vivre avec ces bateaux magnifiques. »

Les mers du Sud :
« Je n’ai pas été trop surpris dans le sens où j’y étais bien préparé et j’ai réussi à faire face. C’est la répétition qui m’a surpris. Je pensais qu’on aurait des pauses mais dans les dorsales (vent moins fort) tu as Banque Populaire à 10 milles de toi et tu te mets à manœuvrer toutes les cinq minutes ! »

Le moment clef de la course :
« Après le Cap Horn, dans l’Atlantique Sud, on était proche avec Armel et il ne fallait pas se tromper de route. J’ai choisi d’aller dans l’Est et creusé l’écart. »

Comment tenir le coup ? :
« J’ai pris plus d’adrénaline que de raison. Certainement, au-delà de la passion, je pense que la fascination que j’ai pour cette course m’a fait avancer toujours plus vite. »

Le rythme à bord :
« Tu notes les problèmes, tu les répares quand le vent faiblit pour affronter le coup de vent suivant ! Dès que ça mollit, tu bosses. Tu n'arrêtes jamais ! »

Le poids :
« J’ai pris quelques grammes en fait. J’avais tellement la hantise de manquer de nourriture que j’avais encore de quoi piocher largement dans mes sacs. C’est ce que j’ai fait avec gourmandise ces derniers jours. »

Retournera-t-il courir le Vendée Globe ? :
« Je ne sais pas, il me faut du temps pour respirer et que je dorme deux ou trois nuits. Il y a 4 ans, lors de la conférence de presse de Michel (Desjoyeaux), on m’aurait dit d’aller faire le Vendée Globe en Optimist, j’aurais surement trouvé ça très bien. Là non, il faut une envie très forte et profonde pour le faire et si tu ne l’as pas, le Vendée Globe, c’est un vrai calvaire. Seulement, cette envie ne se contrôle pas ! »


C’est une véritable déferlante d’émotion que le public sablais a déversé sur les épaules, certes aguerries mais pas inébranlables de François Gabart. Ses grands yeux bleus se sont teintés de rouge et les larmes ont coulé.

Le grand sourire du vainqueur a laissé place à cette émotion intense partagée avec le public mais aussi à un immense soulagement car, comme il l’a lui-même rappelé, 
« on vit jour et nuit avec la pression de la casse, on sait qu’on est bien en mer, en course, à faire ce qu’on aime mais que tout peut s’arrêter en une seconde.»

Une réflexion qui lui appelé deux pensées. Pour son bateau MACIF d’abord :
« je suis très heureux de ce bateau. Moi, j’ai eu la chance de pouvoir me reposer, pas lui. Il n’a jamais fait de pause. Mon bateau, c’est lui qui m’a protégé et m’a permis d’aller au bout. »

François a ensuite rendu hommage à ses concurrents et à ceux qui ne termineront pas l’aventure. 
« Cette émotion quand on arrive est encore mise en exergue lorsque l’on repense à tous ces concurrents qui ont cassé leur bateau et qui n’ont pas pu être là, je pense beaucoup à eux aujourd’hui. »

En terme de prise de risques, François est clair : 
« C’est de la gestion permanente et avec la MACIF, on sait gérer les risques et je me retrouve bien avec eux là-dessus. »

En revenant sur les dernières semaines de course, le skipper se confie : 
« J’ai déchiré une voile d’avant, mon J2, mais j’ai réparé et finalement j’ai fait les deux dernières semaines avec. En arrivant dans l’Atlantique, je me suis dit, allez François, ça va dérouler tranquille mais je me suis vite repris car je savais que je ferai des bêtises et j’en ai faites. Le tout, c’était d’en faire moins qu’Armel et je suis là aujourd’hui. »




Gabart : "C’est hallucinant !"

78 jours 2 heures 16 minutes et 40 secondes, c’est le temps mis par François Gabart pour remporter ce dimanche la septième édition du Vendée Globe et devenir le plus jeune vainqueur, à 29 ans, du tour du monde en solitaire. Moins d’une demi-heure après avoir touché la terre ferme, il a confié son bonheur…

François, quels sentiments ressentez-vous ?
C’est difficile de ne pas être ému, toute la course est exceptionnelle en termes d’émotions. L’intensité de ce qu’on vit est multiplié par je ne sais pas combien, et cette transition est énorme, voir autant de gens, c’est extraordinaire. J’avais beau l’avoir vécu en tant que spectateur proche il y a quatre ans, puisque j’étais sur un zodiac à l’étrave de Foncia, je m’imaginais que ce serait la même chose, que j’étais préparé à ça, mais non, je ne m’attendais pas à ça. Je ne pensais pas qu’on pouvait arriver à de telles choses en faisant du bateau. Jusqu’à ce que je coupe la ligne, je ne pensais qu’à la course, j’essayais de ne pas penser à autre chose. Là, vous réalisez toutes les personnes qui sont touchées par ce que vous faites, c’est hallucinant, ça veut dire qu’il y a du monde qui rêve avec nous. S’il n’y avait pas tout ça, j’arriverais et je me dirais. "Ça ne sert à rien ce qu’on fait, on est fou." Quand tu vois tout ça, tu te dis que c’est peut-être de la folie, mais que ça sert quand même à quelque chose, à beaucoup de gens. Rien que pour ça, ça vaut le coup. Maintenant, il y a cette course qui s’arrête, j’étais à fond pendant deux mois et demi, ça fait du bien quand ça s’arrête !

La victoire est-elle au-delà de vos espérances ?
Je ne suis pas parti pour gagner, ce n’était pas l’objectif n°1 avec Macif, on voulait faire une belle course, mais premier, c’était trop ambitieux. Mais à un moment donné, quand j’ai doublé Armel dans l’Indien, je me suis dit : "Il y a Vincent (Riou) qui s’est déjà arrêté, Jean-Pierre (Dick) qui est un peu derrière, ça fait un mois que je navigue et que je tiens le coup, je peux jouer la gagne."

Il y a quatre ans, vous disputiez votre première saison en Figaro, aujourd’hui vous gagnez le Vendée Globe, que de chemin parcouru en su peu de temps !
Oui, c’est hallucinant. Il y a quatre ans, ici, à la conférence de presse de Mich', je commençais le bateau en tant que professionnel depuis six mois, je rêvais de Vendée Globe, mais ce qui s’est passé en quatre ans, c’est énorme, je ne réalise pas.

Vous surprenez-vous ?
Oui, je me surprends moi-même, et c’est chouette ! Ça fait depuis pas mal de temps que je me surprends, je ne sais pas quand va s’arrêter. Sur le Vendée Globe, on découvre des choses sur soi, je ne pensais pas que j’aurais l’énergie pour répondre à l’enchaînement des problèmes. A un moment donné, tu prends un coup dur, tu te dis que c’est le dernier, le lendemain tu prends la même chose, tu t’y remets pareil, le surlendemain rebelote et au bout de 78 jours, tu te dis : "Comment j’ai fait pour enquiller tout ça ?" C’est ce que vont chercher tous les "Vendéeglobistes", être dans cette difficulté pour se découvrir. On est poussé dans nos derniers retranchements, et là, ce n’est pas une question de courage, on est obligé d’aller chercher des choses au fond de soi des choses qu’on ne soupçonne pas. Aujourd’hui, j’en sais beaucoup plus sur moi.

Avez-vous connu de grosses avaries ?
La première grosse avarie, c’est un problème de moteur après Madère, au cinquième jour de course. On avait eu le même problème sur la Jacques-Vabre, on l’avait résolu, mais ça n’a pas marché, de l’eau s’est infiltré dans le moteur, et la pompe à injection ne marchait plus. On n’en avait pas une de spare (de rechange, ndlr), parce qu’on pensait que ça ne servait à rien tellement c’est compliqué à changer. Il fallait pourtant que je répare la pompe cassée, que je vidange et nettoie l’huile, ça m’a pris pas mal de temps pour réparer, mais j’ai réussi. J’ai réalisé après ce premier gros problème que je me sentais vachement plus fort parce que j’avais su régler le problème. Au fur et à mesure de la course, à chaque fois que tu as un problème que tu arrives à le résoudre, tu en sors plus fort parce que tu sais que ce n’est pas ça qui t’a arrêté. C’est des super sensations.

"Pas un moment tranquille"
 Vous n’avez jamais parlé de vos soucis techniques, pourquoi ?
Il y a quatre ans, Mich' (Michel Desjoyeaux, ndlr) avait été dans cette configuration, moi, au départ, je n’étais pas convaincu que j’allais faire la même chose, je me disais que je voulais partager. Et puis est arrivé ce problème de moteur au bout d’une semaine, je me suis dit que ce serait dommage d’en parler parce que ça pouvait être vu comme une faiblesse par mes concurrents, à partir de là, j’ai commencé à garder les choses pour moi. Et au fur et à mesure de la course, c’est devenu de la pure compétition, le fait d’être dans cette logique fait que tu ne laisses rien à l’adversaire, tu ne peux pas te permettre de lui donner des choses. Ce n’est pas simple parce que j’ai presque envie de dire que contre ma nature, j’aurais préféré faire partager ces moments-là, parce que c’est le Vendée Globe, mais tant que ce sera une compétition, ça restera comme ça. A partir du moment où il y a un classement, on garde ça pour nous.

Avez-vous été surpris par les mers du Sud ?
Non, je n’ai pas été trop surpris. C’est tout l’intérêt de la préparation, d’avoir travaillé avec Mer Agitée, d’avoir bossé avec Michel Desjoyeaux. J’y allais dans l’inconnu mais en m’étant sacrément renseigné. C’est pour ça que je n’ai pas été trop surpris et que j’ai réussi à faire face. Ce qui m’a peut-être surpris, c’est l’enchaînement, la répétition, il n’y a pas de temps de répit. Le Vendée Globe, c’est simple, tu pars, tu prends des gros coups de vent dans lesquels tu casses mais où tu ne peux rien faire parce que le bateau bouge tellement que tu ne peux que t’allonger et regarder les chiffres défiler. Du coup, tu notes ce qui a cassé ou qui ne marche pas très bien et dès que le vent mollit, tu répares ce que tu as cassé pour préparer le coup de vent suivant. Et c’est comme ça à peu près tout le temps. Le Vendée Globe, c’est chaud du début à la fin, il n’y a pas un moment tranquille. On va quand même dans des coins exigeants, il y a plein de choses qui peuvent faire que la course va s’arrêter en quelques secondes, tu peux passer en deux secondes d’un moment où tu es en tête à un autre où tu abandonnes.

Quelle est désormais votre relation avec votre bateau ?
C’est une super relation, je suis très fier du bateau Macif, je le dis au nom de toute l’équipe qui a travaillé à sa construction. Le deuxième (Banque Populaire), c’est quasiment le sistership, je crois que ce sont les deux derniers bateaux sur lesquels Hubert Desjoyeaux a travaillé (le frère de Michel, décédé en 2011, ndlr), il a fait du bon boulot. Je suis fier d’avoir navigué sur ce bateau et d’avoir beaucoup appris. Au départ, ce n’est pas qu’il m’était étranger, mais j’étais très spectateur, là, je me le suis approprié pendant la course, je l’ai écouté, je l’ai senti, j’ai navigué avec. Je suis ingénieur de formation, j’adore la technique, une partie du plaisir de ce métier, c’est de pouvoir construire et développer ces magnifiques bateaux. Je suis heureux du bateau, il ne s’est jamais reposé pendant le Vendée Globe, et il est là, toujours en forme, il me protège.
Reviendrez-vous sur le Vendée Globe ?
Il me faudra un peu de temps pour décider, que je respire un peu. Il y a quatre ans, n’importe qui serait venu me voir pour me proposer de faire le Vendée Globe, j’y allais, dans l’importe quelles conditions, même en Optimist et j’aurais certainement trouvé ça très bien ! Là, non. Il faut une très forte envie pour le faire, si tu ne l’as pas, c’est un calvaire le Vendée Globe, une punition. Je n’irai jamais si au fond de mes tripes, je n’ai pas cette envie de le refaire. Aujourd’hui, je ne l’ai pas. Mais c’est quelque chose qu’on ne contrôle pas, ça viendra ou pas.
Armel Le Cléac'h est sur le point d’arriver, qu’allez-vous lui dire ?
Merci d’abord, de m’avoir fait vivre cette compétition, sans lui, ça n'aurait pas eu lieu, et merci de ne pas m’avoir doublé !
(Extrait de SPORT FR)




INTERVIEWS RENDANT HOMMAGE 
A FRANCOIS GABART


Commentaires de Valérie Fourneyron, Ministre de la Jeunesse et Sports. 
« Je félicite un formidable champion. Mon ministère est celui de la Jeunesse et des Sports et François représente tout cela. Son succès porte aussi un savoir faire français extraordinaire, d’architectes, de chantiers et d’une filières de formation dont nous pouvons tous être très fiers. »

Bruno Retailleau, Président du Conseil Général de Vendée. 
« François, tu as souffert pour nous donner des rêves, je voudrais te remercier au nom de tous les Vendéens et des amoureux du Vendée Globe, même Jules Verne n’avait pas osé imaginer ce que tu viens d’accomplir. »

Gérard Andreck, Président du groupe MACIF : 
« C’est une très belle histoire mais cette fois-ci, c’est la nôtre, celle de François et de la MACIF. Nous allons la partager et ça va être un grand moment. A mon titre personnel, je voulais lui témoigner toute mon affection et mon admiration. On ne lui a jamais donné d’objectif et François n’a fait que nous étonner. Nous allons désormais savourer notre victoire avec lui. »

Riou rend hommage aux deux premiers
Au sujet de François Gabart :
« C’est une très belle victoire. François a mis toute son énergie et sa passion dans cette course. Il l’a dit. Il est allé au bout de ce Vendée Globe et au bout de son rêve, c’est la plus belle manière de remporter un Vendée Globe ».

Au sujet d’Armel Le Cleac’h :
« Je souhaite aussi saluer la performance d’Armel !  François et Armel ont fait une course très similaire. Il y a eu vraiment peu d’écart entre eux. Il faut un premier et un deuxième mais les deux ont vraiment navigué au même niveau »

Au sujet du record :
« J’ai toujours pensé que finir en moins de 80 jours était possible.  Je n’ai jamais imaginé que cela pouvait poser problème. Les bateaux ont considérablement évolué depuis ma victoire (temps de Vincent en 2004 : 87 jours 10 heures 47 minutes). Nos 60’ aujourd’hui sont beaucoup plus rapides. Je ne suis pas du tout étonné par cette performance. Et puis, il y a évidemment un autre paramètre qui rentre en jeu, ce sont les conditions météo. On se rend compte que cela ne tient pas à grand-chose car si François et Armel avaient rencontré les mêmes conditions que leurs poursuivants dans la remontée de l’Atlantique Sud, ils auraient probablement eu de la peine à faire tomber les 80 jours. »





Desjoyeaux: "François est plus brillant que moi"

C’est dimanche en fin de matinée que François Gabart, sauf rebondissement de dernière minute, est attendu en vainqueur du septième Vendée Globe. D’ici là, nous vous proposons des entretiens avec des personnes l’ayant côtoyé des dernières années afin de mieux cerner sa personnalité. Ce samedi, Michel Desjoyeaux, qui héberge le projet Macif au sein de sa société Mer Agitée, et a participé à ses côtés à la Barcelona World Race 2010-11 (abandon).

Michel, quelle première image gardez-vous de François Gabart ?
C’était pour la sélection du Challenge Région Bretagne 2008 (qui offre un Figaro aux couleurs de la région pendant deux ans à son lauréat, ndlr). Il faisait partie des 18 skippers retenus sur dossier. Nous, au Pôle d’entraînement de Port-la-Forêt (chargé de noter les skippers), on les emmène sur l’eau, on est assis derrière avec un paper-board et un crayon, on les regarde faire et on note des numéros de cagnards, parce que les jeunes, on ne les connaît pas encore. Et là où tous les autres ne faisaient que regarder leur mât, tu en avais deux qui regardaient devant, à droite à gauche et levaient le nez, parmi ces deux-là, il y avait François Gabart. Quand tu as vu ça une fois, tu as compris…

Deux ans plus tard, vous le choisissez comme co-skipper pour disputer la Barcelona World Race sur Foncia, pourquoi ?
Il était venu me voir en 2009 pour faire la Transat Jacques-Vabre. A l’époque, il marchait déjà bien, on avait compris qui c’était, mais des fois, il faut les laisser grandir dans leur coin avant de leur faire trop confiance, et je ne lui avais pas répondu tout de suite. J’étais revenu le voir quelque temps plus tard pour en savoir où il en était, il m’avait répondu : "Je suis déjà pris avec Kito, (de Pavant, ndlr), il m’emmène." "C’est super, parfait, tant pis pour moi, j’aurais dû revenir te voir plus tôt", me suis-je dit. Plus tard, quand il a su que j’allais faire la Barcelona, il s’est pointé tout de suite pour me proposer de nouveau ses services. Il savait qu’on était capables de s’entendre, que j’étais sensible à sa personnalité, du coup, il s’est manifesté. Là encore, je n’ai pas dit oui tout de suite, parce que je ne voulais pas le laisser s’enflammer, mais assez rapidement je suis allé le trouver pour lui dire:"Cette année, va faire du bateau parce que moi, je vais faire du chantier, et à la fin de l’année, il faut qu’on soit bons tous les deux." Et lui, il a été très bon cette année-là, puisqu’il a gagné le Championnat de France de course au large, il a fait deuxième du Figaro, en montrant des choses assez étonnantes notamment sa sortie du Goulet de Brest, où il ne se déconcentre absolument pas, alors qu’il avait fait une énorme connerie.

Vous ne vouliez pas qu’il s’enflamme, parce qu’il avait tendance à le faire ?
Non, mais François est quelqu’un de très enthousiaste. Il se régale dans ce qu’il fait, il est conscient de la chance qu’il a, mais cette chance, il l’a provoquée par son attitude, par l’énergie qu’il met dans ce qu’il fait. C’est un homme pressé, il ne faut pas le cacher.
Et comment s’est passée cette Barcelona à ses côtés ?
Ça a été un régal pour moi de partir faire la Barcelona avec lui. François m’a apporté de la bonne humeur, c’est un garçon entier, doublé d’une très bonne efficacité. Malheureusement, elle s’est finie plus vite que prévu avec une très forte déception pour moi, mais je pense que cette fin brutale lui plutôt rendu service, il a vu ce que c’était une grande déception, et c’est aussi dans ces moments-là qu’on se forge le cuir et une carapace, c’était important de connaître ça avant de faire un Vendée Globe.

"On a du mal à lui trouver des défauts"

Quelles sont les qualités qui vous ont séduit chez lui ?
Déjà sa bonne humeur et son côté jovial. Ensuite il est talentueux, tu n’arrives pas à ce niveau-là sans avoir rien fait auparavant. François, ce n’est pas seulement un état d’esprit, c’est aussi un gros passé. On l’a vu évoluer sur le Figaro, il a navigué sur pas mal de supports, en faisant ses preuves à chaque fois. Mais pour cela, il travaille beaucoup, et il aime ça parce que c’est sa passion. François, il ne va pas au boulot ni à l’usine, il va faire ce qu’il aime, il le démontre en ce moment. C’est quelqu’un qui avance, qui construit les choses, avec un enthousiasme débordant. On a un peu de mal à lui trouver des défauts, je dirais que son principal défaut aujourd’hui, c’est d’être trop gentil.

Votre collaboration ne s’est pas arrêtée à la Barcelona, puisque vous êtes intimement lié à son projet de Vendée Globe…
Oui, quand je lui ai proposé de faire la Barcelona, avant même le départ, à la fin de l’année 2010, il est venu me voir en me disant: "Michel, Macif aimerait bien faire le Vendée Globe, ça tombe bien, moi aussi, est-ce qu’on peut acheter ton bateau ?"«Non, il est déjà vendu (à Banque Populaire, ndlr)". «Bon, ben, OK, on en fait un nouveau, et on le fait avec vous !" Et ça s’est fait comme ça ! Il venait chercher l’expérience, il avait compris qu’il n’aurait pas le temps de tout créer pour être compétitif deux ans après, il voulait profiter de l’expérience accumulée au sein de Mer Agitée. Il s’est dit: "Il y a un problème à régler, je dois être opérationnel et performant le 10 novembre 2012, comment je le fais et avec qui je le fais pour que ce soit efficace ?" Et il a débarqué dans mon bureau en me disant: "C’est ça que je veux faire."

Comme vous, François est quelqu’un de très curieux qui veut tout comprendre, vous reconnaissez-vous en lui ?
Il est plus brillant que moi. Je n’avais pas 29 ans quand j’ai gagné mon premier Vendée. C’est quelqu’un de très simple dans ses relations avec les gens. A côté de ça, quand il pose une question, il va te péter les cacahuètes jusqu’à ce qu’il comprenne toute la problématique qui va avec la question. Et une fois qu’il a eu la réponse, il l’a intégrée, il saura s’en servir au bon moment, et il passe à autre chose. Il ne s’emmerde pas avec des considérations bassement matérielles, il avance. Pour vous donner un exemple, avant le départ de la Barcelona World Race, on se dirigeait vers le bateau, dans les rues de Barcelone, on allait partir trois mois ensemble alors qu’on n’avait quasiment jamais navigué tous les deux, et il me dit:"Mich, on fait le projet Vendée Globe ensemble, c’est bien, on construit le bateau, tout ça fonctionne au sein de Mer Agitée, mais si dans trois mois, on ne se parle plus, comment on fait ?" Je lui dis: "Tu prends tes cliques et tes claques, je te rends ta liberté, tu as déjà tes primes d’ailleurs, la seule chose que je te demande, c’est que tu ne me craches pas à la figure, point barre." Il m’a dit: "OK, très bien, j’ai compris." Et on n’en a plus jamais parlé et on n’en parlera plus jamais ! Il y a une question, une réponse, il passe à autre chose et le jour où il voudra partir, il se souviendra très bien de cette discussion, et il me dira "Merci, au revoir !" et moi, je le lui dirai "Au revoir, merci !"

En quoi est-il plus doué que vous au même âge ?
Il est beaucoup plus travailleur que moi, il nous apporte des choses aussi. Comme il ne s’emmerde pas avec ce qui ne plaît pas, il passe à ce qu’il plaît, c’est enthousiasmant de bosser avec lui. C’est aussi ça, sa victoire: ce n’est pas seulement de gagner le Vendée Globe, c’est aussi d’avoir réussi en si peu de temps à fédérer autour de lui une équipe. François a ce qu’il mérite. S’il a eu ce bateau-là au départ, c’est parce qu’il est allé le chercher avec ses tripes mais aussi avec de l’humain.

"Il a gagné pendant 29 ans"

En quoi a-t-il apporté sa touche sur son bateau ?
Il n’a pas apporté sa touche que sur son bateau, mais sur plein de petites choses tout autour. Il apporte tout le temps, c’est quelqu’un de positif, il avance, il n’attend pas qu’on lui mette les choses dans la bouche, il est tracteur de son projet, de ce qu’il veut faire, il sait très bien il veut aller et il avance.

Vous a-t-il étonné pendant son Vendée Globe ?
Oui et non. Il ne m’a pas étonné, parce que je savais ce qu’il pouvait faire avant le départ. Il avait les capacités, le bateau qui allait bien, l’état d’esprit, certes pas toute l’expérience des mers du Sud, mais suffisamment de cordes à son arc pour bien marcher. Là où il m’a étonné, c’est qu’entre être capable de et le faire, il y a un boulevard et il le fait de très belle façon.

Où a-t-il gagné ?
Pendant 29 ans. C’est toute sa trajectoire qui explique cette victoire, c’est le bonhomme dans sa globalité.
On reconnaît dans sa communication maîtrisée la patte Michel Desjoyeaux, on se trompe ? Est-ce un sujet sur lequel il vous a consulté ?
Pendant les trois mois avant le départ, François a lu tous les bouquins qu’il pouvait trouver sur le Vendée Globe. En plus, il a très certainement suivi attentivement le Vendée Globe 2008-09 en long en large et en travers. Et forcément, on s’est côtoyés pendant un bout de temps, il était aussi à mer Agitée pour prendre ce qu’il lui plaisait. Et on n’avait pas forcément besoin d’évoquer le sujet, ça s’est fait tout seul.

Un dernier mot sur son chrono, environ 78 jours, êtes-vous surpris ?
Il y a quatre ans, j’ai mis 82 jours et demi à faire le parcours (un peu plus de 84, mais il avait fait demi-tour d’entrée et était reparti avec plus d’une journée de retard, ndlr). D’aucuns disaient alors que j’allais beaucoup trop vite dans le Sud, mais on n’a quand même pas eu des enchaînements météo exceptionnels. La descente de l’Atlantique, on avait perdu du temps, puisque nous ne sommes pas passés loin des Malouines avant de mettre le clignotant à gauche. Ensuite, nous n’avons rien eu de transcendant et moi, j’ai franchement pris mon temps dans la remontée de l’Atlantique. Du coup, je ne suis pas surpris qu’on aille plus vite.
Un dernier mot, qu’allez-vous lui dire quand vous le croiserez sur le ponton ?
Je me le garde. Vous ne le saurez pas !
(Extrait de SPORT FR)




INTERVIEWS d'ARMEL LE CLEAC'H

Le Cléac’h: "Je n'ai pas à rougir"

C’est dimanche à 18h35’52’’, seulement 3h17’12’’ après François Gabart, plus petit écart jamais enregistré entre le premier et le deuxième, qu’Armel Le Cléac’h a coupé la ligne du Vendée Globe au bout de 78 jours 5h33’52’’ de mer. Souriant malgré sa deuxième place, comme en 2008, le skipper de Banque Populaire  s’est confié peu après sa descente du chenal des Sables à la tombée de la nuit.

Armel, encore une remontée de chenal émouvante, non ?
Oui, ça se termine super bien avec cette belle remontée du chenal, à la tombée de la nuit, c’était génial. J’en ai plein les yeux, c’est la magie du Vendée, on ne s’y habitue pas, c’est magique. J’avais vraiment à cœur d’arriver dans les temps du chenal, j’ai remis le turbo, je n’ai pas pu vraiment souffler, j’ai cravaché pour arriver. La remontée du chenal était incroyable. 

On vous sent plus épanoui et serein qu’il y a quatre ans ?
Oui, il y a déjà le fait d’avoir vécu l’arrivée il y a quatre ans, on sait ce qu’on va vivre, mais les émotions sont différentes. Il y a quatre ans, la fin de course avait été dure, je n’avais plus beaucoup à manger, j’étais amaigri, j’étais pressé d’en finir et j’avais vécu l’arrivée comme une délivrance. Là, je suis content d’arriver, je voulais avoir un temps de course pas très loin de celui de François, donc jusqu’au bout, j’ai donné le maximum, ce que j’ai essayé de faire pendant 78 jours, même si, au final, je termine à la même place. 

Cette deuxième place a-t-elle une saveur différente ?
Il y a un peu de déception, mais ce que j’ai fait sur l’eau était bien meilleur. J’aurais préféré gagner, j’étais venu pour ça, donc la déception est présente, c’est normal, il manque un petit truc, mais je n’ai pas à rougir. Je ne finis pas cinq jours derrière François mais seulement trois heures, on a été très très proches, ça enlève un peu de déception. Je suis content de mon parcours à 99%, mais François a été meilleur, il a fait le break dans le cinquième set, je n’ai jamais réussi à débreaker, il a fait une super course. Deuxième derrière lui, c’est très bien.

Vous gagnez 11 jours et 4 heures par rapport à votre premier Vendée Globe, cela vous étonne ?
On a progressé en quatre ans. Moi, je fais de l’Imoca depuis six ans et j’ai appris beaucoup de choses depuis que je navigue sur ce bateau. Avant le départ, j’étais confiant dans le matériel et dans mes capacités à être aux avant-postes, et je savais qu’on avait mis la barre haute en termes de préparation et d’entraînements avec le Pôle de Port-la-Forêt, avec François, Vincent (Riou), Jean-Pierre (Dick) et moi. Ça s’est vu assez vite dès les premiers jours de course, puisque les quatre premiers au Cap Finisterre étaient ceux-là, et après, on a toujours été aux avant-postes. Une de mes satisfactions sur ce Vendée, c’est le rythme que je suis parvenu à tenir dans le sud. Mon objectif avant le départ était d’avoir un rythme bien différent que lors de mon premier Vendée. Il y a quatre ans, j’avais levé le pied en rentrant dans les mers du Sud, j’avais été surpris par la dureté et la vitesse des premiers, j’avais mis du temps à m’adapter. Cette année, on a imposé le rythme, il n’y a pas eu de moment de répit, ça a été très très vite.

"Aujourd'hui, c'est le résultat qui compte"
Où François a-t-il fait la différence en terme purement stratégique ?
Au Cap Horn, Je passe une trentaine de milles derrière lui, mais après, je suis bien revenu sur lui entre le Cap Horn et le Détroit de Le Maire. A un moment, je suis à moins de dix milles, on est au portant en train de faire des empannages, j’étais sous grand gennaker (voile d’avant, ndlr) dans la nuit, quand le lashing (cordage) de gennaker a cassé. La voile est montée le long du câble à l’avant, c’était impossible de la rouler, j’ai passé deux heures à réparer tout ça, et du coup François est reparti. Comme je me suis fait peu bouffer par l’anticyclone, ses vingt milles d’avance au petit matin se sont transformés en quarante milles. Après, j’ai décidé de prendre une route un peu plus ouest en me disant que j’avais la possibilité de revenir, et c’était le cas avec une petite dépression dans laquelle je pensais vraiment revenir à quelques milles de lui. J’étais serein sur ça, mais rien ne s’est passé comme prévu, et j’ai perdu cinq heures dans l’histoire. Pour moi, la course s’est jouée là.

Avez-vous été surpris par François Gabart ?
Oui et non. Non, parce que je savais qu’il avait bien préparé son Vendée avec son équipe, il était bien entouré et bien conseillé, et sur les stages d’entraînement à Port-la-Forêt, il était toujours difficile à battre. Il avait en outre gagné la Transat BtoB (fin 2011), sa première transat en solitaire. Il était donc très vite arrivé en haut de l’affiche sur le circuit Imoca, et pour moi, c’était un des favoris au départ, même s’il n’avait pas mon expérience ou celle de Jean-Pierre, Vincent, et même Alex(Thomson). Par contre, j’ai été surpris parce qu’il n’a fait que très peu d’erreurs. Il a toujours été rapide, il a eu très peu de coups de mou. Parfois, je me disais : "Ce n’est pas possible, il ne lâche pas le morceau". A un moment, je me suis retrouvé devant, je me disais qu’il allait décrocher, et non, il revenait à chaque fois. Je me suis dit alors que ça allait être un coriace jusqu’au bout.

Vous passez sous les 80 jours en solitaire, mesurez-vous tout de même la portée de l’exploit ?
Non, je ne me rends pas compte. Aujourd’hui, c’est le résultat qui compte, pas le temps de course, et demain, quand on regardera la presse, ce sera François le vainqueur. Mais c’est le sport, à Melbourne, Djokovic a gagné, Murray a perdu… D’ailleurs, ce n’est pas un bon week-end de sport pour moi : Federer a perdu, le handball français a perdu, et moi, je suis deuxième, c’est un peu dur (Rires)… Après, dans les années qui viennent, on pourra analyser ce qu’on a fait vraiment, les moyennes, le nombre de milles par journée, mais on va attendre un peu.

Etes-vous tout de même un skipper heureux ?
Oui, bien sûr, je suis heureux pour moi, pour l’équipe, pour Banque Populaire qui me suit, c’est déjà une victoire d’arriver. Je pense à tous les skippers qui sont venus m‘accueillir, Kito (de Pavant) et Marco (Guillemot), Sam (Davies) qui m’a envoyé un message, je sais ce que c’est d’abandonner, il y a quand même beaucoup de bonheur dans tout ça.
(Extrait de SPORT FR)


Armel Le Cléac’h (Banque Populaire, deuxième)
(Extrait du site officiel du Vendée Globe)

 « 
La remontée du chenal était vraiment sympa. Puis retrouver tout le monde hier soir, ça fait du bien. On n’a pas eu le temps de souffler vraiment mais c’est aussi pour ça qu’on fait le Vendée Globe, c’est très sympa. »
(Sur sa dernière journée en mer)
« Dans la journée hier (dimanche), j’ai fait le bilan de ma course avant d’arriver. J’étais déçu et c’était le sentiment qui dominait à bord. Ensuite, quand j’ai vu les premiers bateaux venir à ma hauteur et les lumières du public de nuit, c’était fabuleux et ça m’a complètement changé d’esprit. C’était génial. »
(Sur le record de 78 jours)
« 78 jours, c’est incroyable. 80 jours, c’est une barre mythique. Je me souviens de la conférence de presse d’avant-course à Paris, quand Denis Horeau (directeur de course) avait dit 76 jours et que tout le monde avait rigolé. Moi je me disais : ‘‘ Il se fout de nous là, avec ses 76 jours ? C’est n’importe quoi ! On va tous être à 85-86. ’’ Au final, il n’était pas loin de la vérité. A deux jours près. Je pense qu’on ne réalise pas vraiment ce qu’on a fait sur l’eau et il va falloir un peu de temps afin d’analyser tous ces chiffres. Mais c’est bien parce que ça montre qu’on va dans le bon sens. »
(Son bilan des mers du sud)
« Je pense qu’on a été bien servi dans les mers du sud. Le fait que les portes aient été montées, ça nous a permis d’éviter la baston parce qu’il y avait des belles dépressions plus au sud, au niveau des Kerguelen. Pour moi, on a eu des conditions difficiles mais on n’a pas eu de grosses tempêtes dans les mers du sud donc tant mieux. »
(A propos de l’actualité)
« J’ai suivi l’actu sportive. On m’envoyait des mails régulièrement pour me tenir au courant. Je suis un passionné de sport en général. Cette semaine, il y avait de quoi faire avec le hand, le tennis mais je suis à fond. Il y a eu aussi la libération de Florence Cassez. J’avais suivi cette affaire pendant pas mal de temps donc c’est super. »





ARTICLES

En coupant la ligne d’arrivée ce dimanche à 15h18, François Gabart a remporté la septième édition du Vendée Globe, nouveau record à la clé en 78 jours, 02 heures 16 minutes et 40 secondes à plus de 15 nœuds de moyenne. Le skipper de Macif, qui aura construit ce succès dans sa préparation, mais également grâce à une trajectoire quasi sans-faute, devient à 29 ans le plus jeune vainqueur du tour du monde en solitaire.
"Si je passe sous les 80 jours, ce sera un beau clin d’œil à Jules-Verne, mais ce qui m’importe avant tout, c’est de terminer quelques minutes ou secondes devant Armel." Ainsi parlait à deux semaines de l’arrivée François Gabart, vainqueur ce dimanche à 15h18 de la septième édition du Vendée Globe après 78 jours, 02 heures, 16 minutes et 40 secondes de mer, un temps inférieur à celui mis en équipage et sur un catamaran il y a vingt ans par Bruno Peyron et ses hommes, premiers à boucler un tour du monde à la voile sous les 80 jours (*). Passé aux commandes de la course dans la nuit du 30 au 31 décembre, le skipper de MACIF ne les aura plus lâchées depuis, résistant à la pression d’un Armel Le Cléac’h avec lequel il aura livré un duel épique qui n’est pas sans rappeler celui offert huit ans plus tôt par Vincent Riou et Jean Le Cam.
A l’époque, le plus jeune, Vincent Riou, avait eu raison de son aîné au début de la remontée de l’Atlantique Sud, le scénario s’est en partie répété cette année, puisque c’est dans ce même Atlantique Sud que le plus jeune des deux duettistes, en l’occurrence François Gabart (29 ans contre 35), aura creusé un écart définitif sur son rival, passé avec seulement 1h15 de retard au Cap Horn. Mais pour Alain Gautier, lauréat du Vendée Globe 1992-93 à 30 ans, qui se fait souffler pour quelques mois le statut de plus jeune vainqueur du tour du monde, c’est même juste avant d’attaquer cette remontée, à une centaine de milles du Cap Horn, que s’est jouée en partie l’issue de l’affrontement entre les deux hommes: "François a pris une bonne option juste avant le cap Horn, il a réussi à faire un petit décalage par rapport à Armel alors qu’ils étaient bord à bord la veille du Cap Horn. Après, comme Armel était derrière, il s’est retrouvé dans la position de celui qui doit oser, quitte à prendre les risques."
Ce que le skipper de Banque Populaire tentera sans succès au large du Brésil, perdant de précieux  milles dans l’affaire et une grande partie de ses illusions. Deuxième pour la deuxième fois de suite sur le Vendée Globe puisqu'il a lui même franchi la ligne à 18h35 soit 3 heures et 17 minutes après Gabart, Armel Le Cléac’h doit s’avouer vaincu face à (très légèrement) plus fort que lui, mais là où sa place de dauphin était il y a quatre ans presque inespérée, celle-ci sera plus difficile à digérer, tant les deux marins étaient proches.
Une préparation primordiale
La petite option tentée par le vainqueur avant le Cap Horn aura été l’une des explications stratégiques de la victoire de François Gabart, dont la météo n’est pas pour rien l’un des «dadas», mais c’est loin d’être le seul pour ce "jeune homme pressé" (dixit Michel Desjoyeaux), apparu dans le monde de la course au large il y a quatre ans et dont la courbe de progression aura été depuis assez vertigineuse, du Figaro à la classe Imoca. Depuis le «go» donné par la Macif en fin d’année 2010 pour son projet de Vendée Globe, gros budget à l’appui (8 millions d’euros sur quatre ans), le jeune skipper a réussi à renverser des montagnes pour aller au bout de ses ambitions, immenses. D’abord en convainquant Michel Desjoyeaux et son écurie Mer Agitée, chantier CDK compris (Macif, construit à Port-la-Forêt est le «sistership» du Foncia 2 de Michel Desjoyeaux, devenu Banque Populaire), de l’accompagner dans l’aventure, ensuite en naviguant sans arrêt depuis la mise à l’eau du bateau, à l’été 2011, avec ses copains d'entraînement du Pôle Finistère Course au large, dont sont désormais issus les trois derniers vainqueurs du Vendée Globe (François Gabart, Michel Desjoyeaux, Vincent Riou).
"S’il a pu mener son bateau à ce rythme, c’est parce qu’il est celui qui a le plus navigué depuis août 2011, confirme l’un des membres de son équipe, Antoine Gautier, neveu d'Alain, vainqueur du Vendée Globe 1992-93. Sans doute parce qu’il en avait plus besoin en raison de son déficit d’expérience par rapport aux autres, mais du coup, ça lui a permis de pousser son bateau dans ses retranchements avant le départ. L’été dernier, s’il n’y avait pas 25 nœuds minimum, il ne sortait pas." Tête bien faite (il a une formation d’ingénieur) sur un corps d'athlète accompli, François Gabart confiait d'ailleurs à propos de ces milliers de milles enquillés en moins d'un an et demi: "Je suis convaincu que la préparation est primordiale dans la victoire. Entre le moment où on a mis le bateau à l’eau et le départ du Vendée, on est l’équipe qui le plus progressé."
Gabart, le Vendée magistral !

Il s'est étonne lui-même
Bon bateau, équipe soudée et de très haut niveau, marin talentueux et dur au mal, tous les ingrédients de la performance étaient réunis avant le départ, restait à faire monter la mayonnaise sur l’eau et c’est là que François Gabart, premier à pointer en tête au soir du 10 novembre, a été très fort, plus fort même que beaucoup ne l’imaginaient. "Il y a un gouffre entre être capable de faire et faire", note Michel Desjoyeaux, pas peu fier de la performance de son poulain. "On n’avait aucun doute sur le fait qu’il soit capable d’aller vite, en revanche, on se posait des questions sur sa capacité à gérer son bateau sur un tour du monde parce qu’il n’en avait pas fait. Et là, il nous a bluffés", reconnaît de son côté Antoine Gautier, tandis que Christian Le Pape, qui a formé le jeune homme et bien d’autres dans son Pôle Finistère Course au large de Port-la-Forêt ajoute: "Je n’étais pas surpris de le voir en tête lors de la première partie du Vendée Globe, après, sur la partie marathon, j’avais une incertitude totale, je me demandais s’il allait être capable de tenir un rythme sur une période aussi longue. La réponse, je la connais désormais…"
Non seulement François Gabart a été capable de tenir le rythme dans des mers hostiles du Sud qu’il découvrait, mais c’est souvent lui qui l’a imprimé, passant 44 de ses 78 jours en mer en tête, et s’offrant dans l’Indien le record de la distance parcourue en 24 heures sur un monocoque Imoca, avec 545 milles (le précédent était de 468 par Alex Thomson), à 21,5 nœuds de moyenne. "Ce qui marque, c’est l’impression de facilité dégagée dans le sud alors que je sais très bien que pas facile, commente Alain Gautier. Les conditions de vie à bord sont très très dures. Aller vite, c’est génial, mais c’est dur pour les nerfs et pour le physique, il faut s’accrocher." François Gabart s’est accroché, il aura également été servi par une réussite qui est l’apanage des grands champions, surtout dans des sports mécaniques tels que la voile, en ne connaissant que peu de pépins techniques. S’il a apparemment subi deux avaries pénalisantes, il s’est montré à chaque fois à la hauteur, preuve qu’il connaissait son bateau sur le bout des doigts. "Il s’est découvert une âme de technicien, il nous a très peu appelés sur le tour du monde, il a toujours tout géré tout seul, il y a même des problèmes importants qu’on n’a découverts qu’après-coup parce qu’il les avait réparés sans qu’on soit au courant", confirme Antoine Gautier.
A l’arrivée, le skipper de Macif, qui aura fait tomber les records les uns après les autres sur son premier Vendée Globe, a réussi à s’étonner lui-même, comme il le confiait cette semaine: "J’ai réussi à libérer cette énergie que j’avais en moi mais dont je n’étais pas certain de mettre en pratique. Je ne savais pas trop comment j’allais me comporter face aux difficultés, je suis super content et super fier de ce que j’ai été capable de faire dans les moments pas simples, dans ma capacité à ne pas baisser la tête, à avancer, à réparer, à aller plus vite." Trop vite pour les dix-neuf autres skippers de ce Vendée Globe bouclé magistralement par un jeune homme bien sous tous rapports et en passe de devenir la nouvelle star de la voile française, il le mérite bien…
(*) Depuis cette première, le Trophée Jules-Verne, record du tour du monde en équipage, a été battu plusieurs fois, la dernière par banque Populaire V mené par Loïck Peyron début 2012 en 45 jours 13h42.
(Extrait de SPORT FR)





Dimanche 27 Janvier 2013



La passion selon les Gabart

Parents de François, Dominique et Catherine Gabart racontent l’engouement de leur
fils pour la voile, née d’une croisière en famille effectuée voilà plus de vingt ans.

« S’il gagne, il aura vraiment mérité le surnom de Mozart. » Confidence de Jean-Pierre Dick en septembre dernier lors d’un entraînement collectif au large de Port la Forêt où François Gabart avait grilléles Le Cléac’h, Riou, Stamm, Davies et Cie, vieux briscards de la course au large. Aujourd’hui, le skipper de MACIF et attendu aux Sables-d’Olonne en vainqueur pour son premier Vendée Globe.
A 29 ans, un an de moins qu’Alain Gautier en 1993, jusqu’à aujourd’hui le plus jeune des lauréats du tour du monde en solitaire.

Croisière initiatique

« Cette croisière, c’était un rêve d’adolescent, rappelle Dominique, on est partis avec nos trois enfants. » Catherine enchaîne : « On leur a fait l’école, Alice avait 9 ans, elle était en CM1, François en avait 6, il était en CE1, Cécile 3 ans, était en première année de maternelle. » Son mari : « On est passés aux Canaries, au Cap-Vert, aux Antilles, aux Bahamas et aux Etats-Unis où on est restés un mois. On est allés à Disney World en Floride, c’était la carotte pour les enfants. »

Moussaillon

Avant cela, François n’avait jamais pratiqué la voile. Catherine : « Un jour, il a dit à son père : « Tu crois que cette voile est bien réglée ? » Son père a répondu : « Le vent a un peu tourné, on pourrait modifier un peu ça, en effet. » Dominique : « A bord, tout était tourné vers l’apprentissage et la responsabilisation,. Quand on faisait le point, on faisait des maths. François a tout de suite appris les cartes, les projections, la géographie. Pendant le voyage, on a construit une maquette d’Optimist en aluminium. François a tiré ses premiers bords en tant que barreur dans une marina américaine. » Dominique : « Au retour, je lui ai construit un Optimist, dans la maison. » Catherine : « Il s’appelait « P’tit-maisrapide. »

Grosses têtes

Trois enfants, trois mentions au BAC S. Mention bien pour Alice, l’ainée qui a fait Science-Po. Bien aussi pour Cécile, interne en médecine. Très bien pour François, diplômé de l’INSA de Lyon. Des grosses têtes !
« Non, des têtes », rectifient les parents. « Notre voyage en mer y a été pour beaucoup, estime Catherine. Dès qu’on changeait de pays, on changeait de langue. François était le moins scolaire, c’est pour ça qu’il a bien apprécié l’INSA, où les élèves sont très autonomes. » Tel un Cammas, il aurait pu faire maths sup-maths spé mais, ajoute Catherine : « Il voulait continuer la voile. Il s’est débrouillé. Quand il veut quelque chose, il fait tout pour y arriver. Il a trouvé l’INSA car ça lui permettait de faire une préparation olympique en Tornado (catamaran) via la section sport-études. A partir de la première, il a voulu y entrer. Il savait qu’il fallait avoir une mention au BAC pour être sur une liste d’athlètes de haut niveau. Quand il n’était pas sur ses devoirs de maths, il partait entretenir son foncier sur nos petites routes de campagne. »

Rêve olympique
« Petit, il voulait être champion olympique. A l’INSA, il a rencontré son partenaire en Tornado, Romain David. Quand ils ont vus qu’ils ne seraient pas retenus pour les jeux, en 2004, ils ont arrêté », confie Dominique. « François a voulu faire du Figaro (monocoque de 10,10m). Il a rencontré Kito de Pavant qui a été un peu son parrain. Ensuite, il a gagné le challenge Espoir Région Bretagne (en 2008) et c’est parti. »
L’appel du large est revenu à la surface. Le père encore : « Il y a vingt ans qu’il nous a dit qu’il voulait faire le Vendée Globe. Pourtant, on n’est jamais allés au départ ni à l’arrivée. En 1989, lors du départ du premier, on était dans notre voyage, on le suivait à la radio. »

Stratège

Sur ce Vendée Globe, François Gabart a démontré ses aptitudes de stratège. Dominique : « On l’avait accompagné aux Pays-Bas pour une régate importante avec environ 300 Optimist. Il était dans le dernier des trois départs. Le départ était franchement babord amure, je suis allé me positionner en bout de ligne et je ne l’ai pas vu. Il était parti vers les bateaux du comité. A la bouée au vent, j’ai vu mon François griller tout le monde. Le soir je lui ai demandé : « Pourquoi t’es parti au bateau du comité ? » Il a répondu : « Ca faiait une demi-heure que j’étais sur l’eau, j’avais vu tous les départs et le vent oscillait très régulièrement. J’ai chronométré les oscillations, je savais qu’une minute après le départ, il fallait être à droite du plan d’eau donc je suis parti du côté du bateau du comité . » Il avait 12 ans …

Pas si facile

Premier Vendée Globe, premier succès quatre ans après ses débuts en mono 60 pieds. Ca semble facile. Pourtant, avant de gagner la sélection skipper MACIF, en 2009, et de se voir offrir un salaire et un bateau du circuit Figaro, Gabart a galéré. Sa mère : « Il a passé un an et demi à chercher des sponsors. Une année, il pensait en voir trouvé un, il a fallu monter une société en urgence pendant les vacances de Noël et, le 10 janvier, il n’a pas signé. Il en était à des budgets au centime d’euro près. »

Maturité

Sur ce Vendée Globe, Gabart a épaté le grand public par sa maîtrise alors qu’il découvrait le tour du monde en solo. Sa mère : « Il se renseigne beaucoup quand il ne maîtrise pas. Petit, il se demandait comment survivre dans la nature. Il avait des livres sur les traces des animaux. Un jour, j’ai trouvé un petit mot sur la table de la salle à manger : « Je suis parti, ne vous inquiétez pas. » Il était parti avec son sac à dos, sa boussole, ses jumelles, une bouteille d’eau, un Opinel et voilà ! Les parents n’avaient pas besoin de s’inquiéter puisque tout avait été préparé ! Il avait 8 ans… »

(Article de Anouk Corge, extrait de L'Equipe du Dimanche 27 Janvier 2013)



« Il est né avec un ordinateur »

Kito de Pavant (51 ans), le skipper de « Groupe Bel » a été le premier à embarquer Gabart sur un mono 60 pieds en course.

« J’ai connu François en 2005, il sortait de l’INSA et voulait faire du Figaro. C’est Franck Citeau (6e aux JO 1996), en ancien de la série Tornado, qui l’a amené au centre d’entraînement de la Grande-Motte (dans l’Hérault).
François est arrivé avec les yeux qui brillaient. Il a passé l’hiver 2005-2006 avec nous. Il était venu à l’arrivée de la Solitaire 2006 à Concarneau, que j’ai courue (10e). Il m’a dit : « J’ai envie de faire la dernière épreuve de la saison de Figaro. »Je lui ai prêté mon Fgaro. Il a couru sa première course sous les couleurs de Groupe Bel ! Il n’avait pas été très brillant, mais c’est normal il apprenait. Il a une tête bien faite, il assimile très vite. Comme il n’avait pas de bateau, il participait beaucoup aux cours théoriques au centre, posait des questions pertinentes ? Et comme il est né avec un ordinateur dans les mains …

En 2007, je lui ai demandé de participer avec Hervé Perrin, météorologue, à mon routage sur la Transat Jacques Vabre que j’ai courue avec Sébastien Col. Je voulais associer un skipper pour avoir un échange plus riche François m’appelait deux, trois fois par jour pendant la course. On sentait qu’il aurait pu faire de la météo son métier.
Ensuite il est parti à Port la Forêt, ç’a été positif pour lui. On est restés en contact, je l’ai aidé dans la préparation de sa première Transat en Figaro en 2009 (3e). Puis je lui ai proposé de courir la Transat Jacques Vabre (2e en 2009) avec moi sur Groupe Bel, je trouvais intéressant de mixer mon expérience du large et sa jeunesse, la méthode de ces jeunes à la tête bien faite (22 ans les séparent). Et il est très agréable à vivre, bien élevé, toujours souriant. On a couru l’Europa Warm-Up en équipages pour se préparer, ç’a été sa première course en 60 pieds. Il a vite appris. Comme il en a l’envie, il pose des questions, n’a pas peur de dire des bêtises. Il a raison, c’est comme ça qu’on apprend. Il prend aussi soin de lui, sait se préparer. »


(Article de Anouk Corge, extrait de L'Equipe du Dimanche 27 Janvier 2013)



« Il ne se voyait pas dans un bureau »

Romain David, concurrent de Gabart en Optimist, avant de devenir son copain à l’école d’ingénieur et son équipier en voile olympique, raconte son ami.

« Entre 12 et 14 ans, on a d’abord été adversaires sur des régates nationales en Optimist. Ensuite, comme on avait grandi, on est passé au Moth Europe, on se voyait plus souvent et on a sympathisé. On a fait les mêmes études, à l’INSA, et c’est ainsi qu’on a décidé de naviguer ensemble en catamaran, le Tornado, alors olympique. On étudiait à Lyon et on allait naviguer du jeudi au dimanche à Marseille d’où je suis originaire. Après la préparation olympique pour les JO de 2004, où on n’avait pas été retenus, on s’est laissé un peu de temps pour savoir si on était prêts à faire des sacrifices, et surtout si on avait les moyens d’intégrer le top 5 mondial, sachant qu’il y avait déjà trois équipages français à ce niveau. Finalement, chaucn est allé vers ses projets. Moi, quand j’ai terminé mes études, je me suis tourné vers une vie plus classique (ingénieur en photovoltaïque), François ne se voyait pas dans un bureau. Il était nourri par la croisière familiale faite dans sa jeunesse. Faire de sa passion son métier a mûri au fur et à mesure.

On a tendance à ,e regarder que les côtés faciles, l’aboutissement de son projet, mais ça n’a pas toujours été simple. Il est passé par deux ans de galère avec des budgets tendus. Il a eu la chance de tomber sur Kito (De Pavant), avec qui il a pu faire ses gammes. Il n’est pas trop mauvais, il apprend vite, il sait écouter. Il a fait du double puisqu’il n’avait pas de bateau. Et puis il a participé au challenge Espoir Bretagne.
L’un de ses points forts, c’est la météo, ça le passionne. Il essaie de bien construire son raisonnement, de laisser le moins de choses possibles au hasard. On a gardé des liens, il est mon témoin de mariage, je suis le parrain de son fils. Je ne pense pas que ce Vendée Globe le change en mal. Il n’est pas du genre à prendre la grosse tête. Et si ça lui arrive, on sera là pour le lui dire ! »


(Article de Anouk Corge, extrait de L'Equipe du Dimanche 27 Janvier 2013)






« Trop gentil et vainqueur »

Michel Desjoyaux, double vainqueur du Vendée Globe, salue la personnalité et la performance de François Gabart.

« C’est toujours difficile d’être objectif, de faire le juste portrait de quelqu’un quand on l’apprécie, parce qu’on travaille ensemble depuis deux ans et demi. L’exercice est périlleux.
Ce que l’on a vu de François pendant ces 78 jours de course est qu’il est lisse comme la carène de son voilier. Aucune rugosité ne vient altérer sa progression. Sa personnalité est comme un ur d’escalade auquel on aurait enlevé les prises de grimpe. Avait-il le choix ? On a vu il y a 4 ans que le psychologique était une arme redoutable, qui faisait partie intégrante de la compétition.
N’y a-t-il pas en athlétisme ou en natation la chambre d’appel, où se joue l’essentiel de la confrontation à venir sur la piste ou dans le bassin ? L’équivalent de ces 3 semaines passées avant le départ des Sables, où les équipes se côtoient déjà pendant les derniers préparatifs. Après le départ, les marins sont seuls, livrés à eux-mêmes, sans contre-pouvoir embarqué. Difficile de se confier, d’échanger des points de vue, de se remettre en cause, de se cogner dans un miroir.

La durée du parcours, et l’éloignement physique, l’isolement font qu’ils ne peuvent être tenus en laisse par un coaching ? La force de caractère doit donc prendre le relais, de façon permanente, et si vous voulez tenir le coup, il paraît salvateur d’adopter une ligne de conduite simple, basée sur une forme de non-communication. Moins j’en dis, moins j’ouvre mon jeu, moins je montre mes faiblesses, moins je passe pour arrogant d’avouer mes points forts. Un côté joueur de poker en fait.
Depuis le départ, proche de la tête de course, et souvent leader, avait-il le choix d’une large diffusion de ses états d’âme et états de service ?
Alors il a joué sur la corde de celui qui est bien en mer, qui s’amuse des vents forts, s’accommode de la concurrence et ne dira rien de ses soucis. Rôle de composition ou vraie personnalité ?
Je le connais comme il a été durant ses 78 jours parce que, pragmatique comme il est, il n’a pas besoin de s’encombrer avec ce genre de considérations énergivores. Il avance toujours, le bulldozer est lancé, et rien ne l’arrête. Les problèmes techniques rencontrés (il en a eu peu) n’ont été que des faits de course mais pas des coups de marteau sur la tête. Il les a vécus comme ça, simplement, parce que la compétition requiert suffisamment de disponibilité d’esprit pour ne pas s’égarer.

Oui il est heureux en mer, et il le dit comme il est. Non qu’il soit au-dessus de ça, mais plutôt à côté. Il se dit ambitieux, je préférerais le qualifier de boulimique. L’homme est pressé de tout.
En deux ans, il a rencontré sa femme, est devenu père, s’est trouvé une maison pour y installer sa jeune famille, s’est construit un bateau, s’est préparé pour le Vendée Globe. En deux ans, celui qu’on appelait affectueusement il y a peu « P’tit François » a construit sa vie d’homme, comme certains font de la prose, simplement.
Curieux, enjoué, travailleur mais pas besogneux, attentionné aux autres, il est passé à travers tout, sans marcher sur les autres. Le seul défaut qu’on lui trouve aujourd’hui, c’est d’être gentil, trop gentil. Peut-on, en 2013, être trop gentil et gagner le Vendée Globe à 29 ans ? La réponse est : oui, c’est possible. Il l’a fait ! »


(Article extrait de L'Equipe du Dimanche 27 Janvier 2013)






Samedi 26 Janvier 2013


Le Cléac’h le tenace

Même s’il sait que la victoire tend les bras à François Gabart, attendu dimanche aux Sables-d’Olonne, le skipper de Banque-Populaire donnera tout jusqu’au bout.

« Il a beau être à une centaine de milles de Gabart, tant que François n’aura pas franchi la ligne, Armel va se dire qu’il peut gagner ». Directeur du team Banque-Populaire, Ronan Lucas connaît « son » Le Cléac’h sur le bout des doigts. « Il ne lâche jamais rien. Ca fait 15 jours que je ne l’ai pas eu au téléphone, il est dans son truc. » A l’affût de la moindre opportunité météo, de la moindre erreur de trajectoire du leader, qui n’est pas à l’abri d’une avarie. « Mais Armel, comme personne, ne souhaite pas de pépin à François, qui a fait une course magnifique et mérite ce qu’il a », assure Lucas, dont le ton indique la sincérité. Agacé de s’entendre poser la question d’un éventuel retour depuis plusieurs jours, Le Cléac’h a fini par dire hier à la vacation, alors qu’il était à 114,9 milles du leader, lui-même à 796,5 milles du but : « Je pense que, sauf si François a un problème, je ne reviendrai pas … » Mais Armel ne lâchera rien … », répète Ronan Lucas.
Dans la pure tradition du « Chacal », surnom dont il a hérité après sa victoire dans la Solitaire du Figaro, en 2003 : au départ de la dernière étape, Alain Gautier (vainqueur du Vendée 10 ans plus tôt) est en tête avec 19 minutes d’avance sur Le Cléac’h, qui s’adjuge finalement l’épreuve pour 13 secondes !
« J’ai décidé d’attaquer la veille de l’arrivée. Alain ne m’a pas suivi. Je me suis donné à fond, je suis entré dans un état de transe », aime à se souvenir Armel Le Cléac’h. « J’ai dû doubler une douzaine de concurrents dans les derniers milles. Quand j’ai coupé la ligne d’arrivée, j’ai arrêté mon chrono et je me suis dit : quoi qu’il arrive, même si je reste deuxième, je n’ai pas de regret car j’ai tout donné. » Si rien ne vient entraver la marche de Gabart, Le Cléac’h (35 ans) devra à nouveau se contenter de la place du dauphin, comme en 2009 : 4j 18h 26mn derrière Michel Desjoyaux. A l’époque, il découvrait l’exercice et s’était réjoui de ce statut : « J’étais fier d’être allé jusqu’au bout, d’avoir ramené le bateau. » Cette fois, il n’est « pas venu pour faire deuxième ».

« Sur l’eau, il n’y a pas de copain »

Après s’être échangé le leadership avec le skipper de MACIF, Le Cléac’h l’a cédé le samedi 29 décembre au pointage de 6 heures. Un décalage à l’approche du cap Horn lui aura (peut-être) été fatal pour la gagne. « Il a eu un souci avec l’amure du gennaker. Ce n’était pas le moment de bricoler. Il n’a jamais réussi à rattraper ce décalage », estime Jérémie Beyou, skipper de Maître-Coq, contraint à l’abandon peu après le départ (avarie de vérin de quille).
« Tout est encore possible. S’il fait deux fois deuxième, il aura les glandes, mais c’est un grand marin, un grand compétiteur, il s’en remettra », poursuit Beyou. « Une de ses grandes qualités, c’est d’être capable de rester lucide, d’avoir du sang-froid », ajoute son ami d’enfance, là-bas dans la baie de Morlaix.
C’était l’époque des croisières en famille dans les îles Scilly et autour de l’Irlande avec les Troussel. « On a grandi ensemble dans la vie comme en régate. Son surnom de Chacal lui va bien. A terre, il est consciencieux, minutieux, organisé, et sait où sont les priorités », jauge Nicolas Troussel, également double vainqueur de la Solitaire du Figaro (2006 et 2008). « Sur l’eau, pour lui rien n’est jamais perdu »

En effet, aimable à terre, Le Cléac’h devient carnassier en mer. « Sur l’eau, c’est la guerre, il n’y a pas de copain. C’est le jeu, c’est comme ça que je le vois, sinon on ne fait pas du sport, on fait de la croisière. » Dans ce Vendée Globe, il a trouvé en françois Gabart un skipper forgé dans le même métal. Et pas seulement parce qu’ils ont emprunté presque les mêmes chemins : Bac S avec mention, études d’ingénieur à l’INSA, lauréat d’un challenge Espoir, synonyme d’intégration au pôle Finistère course au large de Port-la-Forêt, circuit Figaro avant l’entrée « chez les grands » en mono 60 pieds.

Lors de ce tour du monde en solitaire, les duellistes vont jusqu’à naviguer sur des bateaux quasi similaires, sortis des mêmes moules. « Pour être franc, François, c’est quand même un garçon que j’apprécie beaucoup plus quand j’arrive à le garder derrière moi, mais c’est difficile … », confiait Armel avant le départ, le 10 Novembre.
Il parlait en connaisseur. Il avait apprécié la ténacité du petit blond lors de la Solitaire (encore) 2010. En état de grâce, Le Cléac’h avait certes signé une seconde victoire, mais Gabart avait lutté jusqu’au bout. « François laisse peu de place au hasard, il passe beaucoup de temps à travailler sur les voiles, les nouveaux logiciels. Il est au courant de tout. Il avait envie de montrer qu’il était là, ça s’est senti sur l’eau. Il m’a donné du fil à retordre », saluait alors « Mémel ». On pourrait effectuer un copier-coller de ses mots pour le décrire. « Armel est volontaire, tenace, sérieux, organisé dans son travail », acquiesce son père, Jean-Gabriel, dentiste (comme papa Gabart) à la retraite. « Têtu aussi. Quand il a décidé de faire de la voile son métier, il nous a mis devant le fait accompli à notre grand désespoir car à l’époque ce n’était pas aussi bien structuré. »
Depuis, la fierté paternelle a pris le dessus.




Mercredi 9 Janvier 2013


Vendée globe:
«Un véritable engouement autour de François»

Aline Bourgeois gère les sollicitations médias de François Gabart
pendant le Vendée Globe. L'agenda du Charentais est surchargé.

Début novembre, le téléphone portable collé à l'oreille sur les pontons des sables d'Olonne à la veille du départ du Vendée Globe, Aline Bourgeois mesurait la cote d'amour de François Gabart: « Il est parmi les cinq skippers les plus médiatisés », savourait-elle.
Deux mois plus tard, par la force des abandons et au prix d'une course superbe qui a propulsé le Charentais en tête de l'épreuve, le champ s'est réduit: « Avec Armel (Le Cléac'h), il est dans les deux ».

Et les sollicitations ne manquent pas: « On tourne en ce moment à deux rendez-vous par jour. »
Télés, radios, presse écrite, dont les interviews se font en «pool» depuis quelques semaines, le temps d'une vacation radio d'une petite demi-heure.
« C'est plus efficace car les mêmes questions revenaient souvent, et ça permet surtout à François d'économiser du temps. Si on peut faire de la com, c'est bien, mais l'essentiel, c'est que François reste concentré sur la navigation », explique Aline Bourgeois. Ce fut notamment le cas à l'approche et pendant le passage du Cap Horn : « La priorité pour lui était de rester en veille et de surveiller les glaces pour se préserver ».
En contact permanent « par mail et SMS » avec le skipper de MACIF, sa chargée de communication lui a tout de même permis d'honorer un planning très chargé pendant les fêtes. « Une période propice à cela car il y avait moins d'actualité. Et comme il y a un véritable engouement autour de François, a donc eu beaucoup de demandes. On a enchaîné pas mal de programmes extra-sportifs: Fogiel sur RTL, Europe 1 soir, RMC, France Info... ça permet de toucher un plus grand nombre de personnes, un public plus large. Cette course est faite pour ça ».

« On réfléchit déjà à l'arrivée »

Du pain béni pour la MACIF. « Il n'y a que des retours positifs. Le projet a pris une dimension extraordinaire, mesure Aline Bourgeois. A la machine à café, ça ne parle que de ça ».
Les employés de la mutuelle niortaise auront sans doute l'occasion de fêter leur héros en février prochain. Car si le bon sens autant que la superstition imposent de ne pas trop se projeter - « Il reste trois semaines de course» -, la chargée de communication reconnaît «qu'on commence déjà à réfléchir à l'arrivée. Il faut anticiper car on sait que ça va être intense ».
Plateaux télé, interviews, opération marketing: François Gabart peut s'attendre à croiser beaucoup de monde après 80 jours de solitude.
En attendant, l'enfant d'Angeac reste loin de tout ça. Concentré sur sa course, pas forcément conscient de l'impact. Même s'il ne manque jamais une occasion de faire partager son quotidien. Il est le skipper le plus prolifique du site officiel du Vendée avec 93 contenus délivrés, photos, sons ou vidéos. « Et son compte Twitter est de loin le plus suivi ».
François Gabart n'a pas fini de faire parler de lui.
(Article extrait du site de la Charente libre)





Vendredi 4 Janvier 2013

Un excellent portrait croisé 
de François Gabart et Armel Le Cléac'h
très complet et instructif

(Article de Anouk Corge, extrait de l'Equipe du 4 Janvier 2013


SI LOIN, SI PRES

Après 18 milles et 54 jours de course, François Gabart et Armel Le Cléac’h se livrent un duel épique. Hier soir, une trentaine de milles les séparaient. Décryptage.

 « C’est génial ce duel ! On est tous les deux contents de vivre ça, on est tous les deux des compétiteurs. Il  n’y a pas de raison que ça s’arrête. Si on est encore ensemble dans le golfe de Gascogne, ça promet un finish assez exceptionnel. Il faudra qu’on ait les nerfs solides, mais on s’est entraînés pour ça ! »
François Gabart en deviendrait presque agaçant. Non content d’animer avec brio le Vendée Globe qu’il découvre pourtant, le benjamin de la flotte (29 ans) sait en plus en résumer la saveur, la teneur. Depuis le départ des Sables-d’Olonne, le 10 novembre dernier, le skippeur de MACIF se livre à un mano a mano exceptionnel avec Armel Le Cléac’h qui n’en est pas à son coup d’essai. En 2009, alors bizuth, le skipper de Banque-Populaire avait terminé deuxième derrière Michel Desjoyaux. L’ombre du double vainqueur (absent cette fois) du tour du monde en solitaire plane sur cette 7e édition : le monocoque de Le Cléac’h est son ancien Foncia, celui de Gabart une copie presque conforme. Cette gémellité n’est pas la seule explication à ce duel de haut vol.


Dans le bain très jeunes

Armel Le Cléac’h
Né le 11 mai 1977 à Landivisiau, dans le Finistère, Armel Le Cléac’h a débuté sa carrière de marin à un an, sur le bateau de croisière familial, dans la baie de Morlaix. Il a ensuite emprunté la filière classique (Optimist, 420, Figaro). Après un bac S obtenu avec mention, il suit une préparation math sup, ne passe qu’un an à l’INSA (école d’ingénieur) de Rennes, puisqu’il gagne en 1999, le challenge Espoir-Crédit Agricole lui permettant de naviguer deux saisons sur le circuit Figaro.
En 2003, il remporte (avec 13 secondes d’avance sur Alain Gautier, vainqueur du Vendée Globe en 92/93) la Solitaire du Figaro, trois ans après sa première participation. Il devra attendre 2010 pour empocher la seconde ; son dauphin est un petit jeune prometteur : François Gabart. En 2009, il termine deuxième de son premier Vendée Globe, cinq jours après Michel Desjoyaux.

François Gabart
Né le 23 mars 1983, à Saint-Michel d’Entraygues en Charente, François Gabart dispose de son premier bateau à 6 ans, un Optimist construit par son père, dentiste.
Passionné de mer, le paternel prend une année sabbatique et emmène sa famille en croisière. François a 7 ans. En 1997, Gabart est champion de France d’Optimist. En 1999, il décroche le titre national en Moth Europe. En 2004, il est champion du monde jeune en Tornado. En 2008, il est skipper espoir région Bretagne ; l’année suivante il s’adjuge la sélection skipper MACIF, qui lui offre deux saisons sur le circuit Figaro.
En 2010, il est champion de France de course au large, grâce notamment à une deuxième place dans la Solitaire du Figaro derrière … Armel Le Cléac’h.
Il est diplômé de l’INSA à Lyon.

Enfants de « Port Laf »
Dès leurs débuts sur le circuit Figaro, Armel comme François ont intégré le pôle Finistère course au large de Port la Forêt, la référence française depuis plus de 20 ans, qui a vu passer Desjoyaux, Le Cam, Jourdain (qui ont participé à la création du pôle), Cammas, Josse, Beyou, Eliès, Riou, Stamm, Samantha Davies, et tant d’autres.
Depuis 2000, le pôle propose des stages communs pour préparer le Vendée Globe, alternance de préparation physique, météorologique, stratégique, médicale, maritime. Depuis l’édition 2000/2001, le vainqueur du Vendée Globe a toujours participé à ces stages (Desjoyaux en 2001 et 2009, Riou en 2005). 

« On travaille dans l’intérêt commun. Les gens se respectent, il n’y a pas d’ego démesurés. La confrontation permanente est un élément fondamental. On est un peu les seuls à organiser des choses comme ça », remarque Christian Le Pape, directeur du pôle course au large de Port la Forêt, en référence à d’autres centres nationaux moins structurés. « On sélectionne a priori les meilleurs, on les met avec les meilleurs, donc se dégagent des gens d’exception. Mais le très haut niveau ne se décrète pas, il faut une énergie hors du commun, ce qu’ont Armel et François. »

A très bien se connaître, à bénéficier de la même formation continue, de bateaux quasi similaires, pas étonnant qu’ils naviguent au contact depuis plus de 50 jours. « Les faits le traduisent, ils sont peu différents en mer. Ils ont suivi la même démarche. Ils ne sont pas meilleurs techniciens, mais ont une vision très claire des priorités, à terre comme en mer. Du fait de leur forme d’esprit d’ingénieur, ils sont plus sensibles à une approche cartésienne », analyse encore Le Pape.


Les gosses du Figaro
Le circuit Figaro est considéré comme l’antichambre de la course au large. Formateur car les marins disposent d’un bateau identique, un Figaro-Bénéteau 2, monocoque de 10,10m. A armes égales, c’est donc le marin, et non pas sa machine, qui fait la différence par la qualité des réglages, la gestion du sommeil, le toucher de barre etc. L’épreuve reine est la solitaire du Figaro : course à étapes de 2 à 3 jours où les marins dorment beaucoup moins que sur un Vendée Globe (2 à 3 heures quotidiennes contre 6 environ). « Plus que les bateaux, ce sont les bonshommes qui font la différence sur un Vendée Globe aussi. Ces deux-là, Armel et François, sont redoutables. Ils ont fait beaucoup de Solitaire du Figaro, course indispensable pour bien se connaître soi-même ainsi que son niveau d’exigence quant à la performance car quand tu échoues tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même », estime Michel Desjoyaux, l’un des trois (avec Poupon et Le Cam) triples vainqueurs de la Solitaire et seul double vainqueur du Vendée. 

Cette édition du tour du monde en solitaire a eu parfois des allures de Solitaire du Figaro par la régate au contact entre les duellistes. Du fait des 8 portes des glaces qui ont balisé le chemin dans le grand sud et ainsi limité le champ d’action en terme d’option stratégique. « Depuis le cap de Bonne-Espérance, ils naviguent de porte en porte avec une stratégie à 4 jours et ça, ils savent faire avec le Figaro », relève Christian Le Pape. « Il n’y a donc plus ce grand écart entre le Figaro et le Vendée Globe où tu passais d’une stratégie à 4 jours à une de 15-20 jours », poursuit le patron du pôle Finistère course au large de Port la Foret. Voilà aussi pourquoi un bizuth du Vendée Globe comme Gabart peut rivaliser avec Le Cléac’h. « Le talent et l’entraînement peuvent compenser aujourd’hui le manque d’expérience et ça change tout », note encore Le pape, qui côtoie à longueur d’année ces deux marins.




Pas si siamois
François Gabart a disputé sa première course en monocoque 60 pieds en 2009, en double avec Kito de Pavant ( contraint à l’abandon au début de ce Vendée) : deuxième de la transat Jacques Vabre. L’année suivante, il demande à Michel Desjoyaux de l’embarquer pour le tour du monde en double, la Barcelona World Race, achevée prématurément par un démâtage. 

Ces deux-là se sont trouvés et c’est naturellement vers Mer Agitée, la société de Desjoyaux, que Gabart se tourne pour construire son bateau et préparer son Vendée Globe. « Avoir Michel à ses côtés est une valeur ajoutée, évidemment, même si François n’a pas besoin d’un guide mais d’un accompagnateur pour le conforter  ou pas dans ses choix », jauge Christian le Pape. « François, c’est le jeune homme pressé mais pas arriviste. Le Vendée, il voulait le courir dès 2008 alors qu’il n’avait jamais fait de 60 pieds. Il est pressé, curieux, talentueux, mais a surtout une énergie positive, il n’a pas de complexe, ce n’est pas de la suffisance mais de l’envie. C’est un ascète, c’est sa nature, il boit du vin uniquement pour ne pas vexer les gens, sourit Christian Le Pape. C’est un prodige, il a un profil de premier de la classe ».

La manière dont il a gagné la Solitaire du Figaro en 2003 a valu à Armel Le Cléac’h le surnom de « Chacal ». Compétiteur, tenace, le skipper de Banque-Populaire ne lâche jamais rien sous ses airs de premier communiant. « Armel aime bien déconner pourtant. Il aurait pu être au fond de la classe à côté du radiateur, rectifie Christian Le pape. Sur l’eau, Armel est capable de se lâcher, de tenter des coups même si on a travaillé sur la manière pour qu’il ne se brûle pas sur des options trop radicales. Les deux sont dans la mission, un peu comme des pilotes de chasse : ils ont un plan de vol, se sont entraînés pour. Ils sont au top physiquement, en formation météo ce ceux qui ont le plus bossé. Le Vendée pour eux est une compétition, pas une aventure ».


Bateaux frères 
Brit Air, sur lequel il avait terminé deuxième du Vendée, en 2009, vendu à la suite du retrait de son sponsor éponyme, Armel le Cléac’h court aujourd’hui sur l’ex-Foncia de Michel Desjoyaux. C’est un plan VPLP-Verdier de dernière génération mis à l’eau en septembre 2010, deux mois avant que le duo Desjoyaux-Gabart ne coure la Barcelona World Race. 

Quelques semaine plutôt, François Gabart avait demandé à la MACIF, son sponsor en Figaro, de l’accompagner sur son rêve de tour du monde en solitaire. Consciente de détenir une pépite, la compagnie d’assurance a accepté de faire construire un bateau neuf, mis à l’eau en août 2011. C’est un sistership (bateau frère) de l’ex-Foncia de Desjoyaux, aujourd’hui Banque-Populaire. « La coque et le pont sont sortis des mêmes moules à 95%. Les safrans et la bôme sont identiques. Les winches de MACIF sont un peu plus petits pour gagner du poids, la répartition longitudinale des ballasts (qui équilibrent le bateau) est un peu différente, comme le profil des dérives. La quille de Banque-Populaire est en carbone, donc plus légère de 150 kg, mais l’appendice est plus épais, donc il y a plus de traînée. C’était un choix d’architectes à l’époque qui pensaient que c’était plus efficace. Celle de MACIF est en acier soudé, plus lourd mais plus fine », décrypte Desjoyaux qui a participé à la conception des deux bateaux, très proches. « Ces différences jouent à 0,5% de la performance globale, évalue-t-il, mais dans le très haut niveau, rien n’est anecdotique. 0,5% sur 80 jours, ça fait 10 heures sur un tour du monde », calcule encore « le Professeur ». En 2005, sept heures avaient séparé Vincent Riou de son dauphin Jean Le Cam. « Il est également normal que, dans avec des bateaux similaires, ils prennent les mêmes trajectoires, à condition météo similaires », relève Desjoyaux pour expliquer ce mano a mano.

Jeu de voiles
MDTK : L’étiquette avait attiré l’attention dans la soute à voiles de MACIF avant le départ. François Gabart avait gentiment botté en touche pour éviter de révéler la nature de cette voile. Depuis cette édition, le nombre de voiles est limité (10), libre au skipper d’emmener celles qui conviennent le mieux à son monocoque. Gabart a embarqué la MDTK pour « Michel Desjoyaux Trinquette ». « C’est l’évolution d’une que j’avais sur le Vendée 2008, elle n’est pas plus grande sinon elle ne sert pas dans la très forte brise », confie Desjoyaux. 
Dans l’océan Indien, elle a permis à Gabart d’affoler les compteurs au point de porter à 545 milles le record du nombre de milles parcourus en 24 heures, entre les 9 et 10 décembre. Mais aussi d’avancer d’un nœud plus vite en moyenne que Le Cléac’h, ce qui eut pour effet de s’interroger sur une éventuelle arme secrète.
« Elle est très efficace à 110-120° du vent (au reaching). Elle est amurée plus bas, ça stabilise plus le bateau et dans une force de vent de plus de 25 nœuds c’est plus efficace », décrypte Vincent Lauriot-Prévost, l’un des architectes des deux bateaux. Reste qu’elle n’a pas permis à Gabart de faire un break décisif. « Le foin sur cette voile, c’est aussi de la com’, un aspect psychologique, car les écarts peuvent se faire sur un mauvais choix de voile, une manœuvre mal réalisée », recadre Lauriot-Prévost. 

Ce prototype sera-t-il aussi précieux sur la remontée vers les Sables-d’Olonne ? « Au-delà d’aller vite dans le grand Sud, la philosophie était de prendre ce reacher pour ne pas abîmer les voiles plates et pouvoir être rapide et performant dans la remontée de l’Atlantique Sud », répond François Gabart, toujours premier hier soir. 
Armel le Cléac’h n’est pas en reste puisqu’il dispose d’un code zéro, contrairement à son rival. Le code zéro, génois de tout petit temps, est la plus grande voile de près et permet ainsi de remonter contre le vent. Situation fréquente dans l’Atlantique.


Caprices météo
Souvent considéré comme le cap de la délivrance puisqu’il marque la sortie des mers du grand Sud, le cap Horn ne signifie pas pour autant que l’arrivée est proche. Les deux leaders ont encore plus de 6500 milles sur les quelques 24000 au total à parcourir. « Tout le monde a l’impression que c’est le sprint final, mais il reste trois semaines à un mois de course, il peut se passer encore plein de choses », a bien conscience François Gabart, le bizuth aux allures de vieux briscard. 
A raison, car la remontée vers les Sables-d’Olonne est parsemée d’embûches météorologiques : l’anticyclone de Sainte-Hélène, le pot au noir, l’anticyclone des Açores. « La remontée de l’Atlantique Sud est compliquée car la situation météo n’est pas très stable. Les deux premiers vont dans les emmerdes, pas de vent et , ensuite, du vent en pleine figure, de secteur nord, ce qui est pénible quand on va justement vers le nord », analyse Jean-Yves Bernot, routeur réputé.

« Après le Horn, ce putain de Brésil n’en finit pas, c’est usant psychologiquement, pour les hommes et les machines. On peut perdre cent milles et, même si ce n’est pas rédhibitoire, ce n’est pas reposant ». Reposé, Gabart semble l’être en permanence. Sa voix indique rarement la fatigue, contrairement à Le Cléac’h. Méfiance, car le « Chacal » est tenace. Encore plus à présent que la voie est complètement libre puisqu’il n’y a plus de porte des glaces. « Le jeu est complètement ouvert, s’il y a des coups à jouer, je les jouerai », assure le skipper de Banque-Populaire. « Tous les coups à prendre, je les prends », renchérit celui de MACIF. La bataille navale est loin d’être terminée.







Samedi 29 Décembre 2012


LA LEGENDE DU HORN

C’est sans doute le point de passage le plus célèbre et le plus fantasmé que Le Cléac’h et Gabart franchiront en début de semaine.
Décryptage par Michel Desjoyaux.

Le Cap Horn est prévu dans quatre jours. On en parle toujours comme d’un cap mythique, un cap très difficile à passer. Si mythe il y a, il est né d’une autre époque.
Plantons le décor.
Le cap Horn, qui est sur une île, et non partie du continent, est considéré comme le point le plus sud de l’Amérique du Sud, et à ce titre, le point de contournement, quand on passe de l’océan Atlantique au Pacifique, ou dans l’autre sens. L’étendue de mer entre l’Amérique du Sud et l’Antarctique s’appelle le passage du Drake, du nom d’un pirate anglais qui y est passé au XVIe siècle, non sans y avoir perdu une partie de son armada. Jusqu’au creusement du canal de Panama, c’était le chemin le plus court pour partir à la conquête de l’ouest, version maritime.

A cause des hauts reliefs de la Cordillère, les dépressions qui traversent le Pacifique d’ouest en est ont une fâcheuse tendance à se sentir obligées d’être déviées vers le passage de Drake. Au rythme d’une dépression tous les trois ou quatre jours, le coin est donc vraiment mal fréquenté !
Il faut aussi se remettre dans le contexte maritime de l’époque. Les bateaux du siècle dernier, trois mâts, barques et autres grands voiliers de commerce, du temps où ils n’étaient pas encore équipés de moteur, progressaient très mal contre le vent, au mieux savaient avancer vent de travers. Le vent dominant, le long de la côte chilienne, vient d’ouest, le courant de surface, par voie de conséquence, porte à l’est. Quand on compile tous ces facteurs, on comprend mieux pourquoi certains passaient des jours, des semaines, des mois à tenter leur chance ; la conquête de l’Ouest était à ce prix.
On n’imagine pas le nombre de voiles arrachées, de mâts cassés, de marins perdus, de naufrages, dans ce coin retranché, finalement si hostile.
Certains capitaines, survivants de cet enfer mais incapables de passer à l’ouest, jetaient l’éponge et décidaient de partir par l’océan Indien pour rejoindre le Pacifique et les côtes ouest des Amériques. Ainsi naissait la légende du Cap Horn.

Aujourd’hui, et depuis l’ouverture du canal de Panama, peu de bateaux de commerce passent le cap à l’envers. On pourrait y voir le panneau du style « sens interdit, sauf riverains », mais je crois que le bon sens marin suffit amplement…

Pour les treize lascars encore en course, le cap des tempêtes aura une toute autre signification.
On peut bien sûr leur souhaiter que les vents dominants ne leur fassent pas défaut, et qu’ils rejoignent l’Atlantique au vent arrière, c’est ce qu’il y a de plus facile.
Mais l’arrivée au cap Horn signe surtout la fin d’un autre enfer, celui des mers du Sud. Il y auront passé près de trente jours, et ils auront bien mérité de revoir une terre ferme, la Terre de Feu.
Je n’y suis passé que trois fois.

La première, j’avais vingt ans, sur le maxi Côte d’Or, skippé par un certain Tabarly. On est passés de nuit, au large, le vent et la mer étaient calmes, je crois que j’étais de repos, que mes camarades sur le pont n’ont rien vu. Frustrant. Quand j’y suis retourné, en 2001, sur mon premier Vendée Globe, j’ai été beaucoup mieux servi ! Fin d’après-midi, belle mer, vent fort mais conditions maniables. J’avais 500 milles d’avance sur Ellen Mac Arthur, je me suis permis de prendre mon temps, affalant la voile d’avant pour profiter du spectacle plus longtemps. Il faisait gris, mais le haut du rocher s’est dégagé des nuages, pour moi, au moment de faire la photo souvenir.

En 2009, je suis passé de nuit, et je peux vous confirmer qu’il y a un phare ! Ce dont je me souviens surtout, ce n’est pas le rocher, mais la sensation de calme, de sérénité, après. Souvent, dans le sillage de la Cordillère, le vent est très faible. Et alors qu’on devrait pester de ne plus avancer à toute berzingue (expression chère à Tabarly !) comme pendant le mois précédent, on en vient à apprécier ce silence, cette mer plate. On redécouvre que le pont du bateau peut être un lieu de balade, qu’on peut y aller sans être à quatre pattes,, sans le ciré. L’éloge de la lenteur, une vraie délivrance, tout simplement.
On pourrait rêver que le Vendée Globe est terminé, mais c’est vite oublier que seulement deux tiers du parcours sont bouclés au sortir du Pacifique. La course de vitesse, les grand surfs endiablés, c’est fini ! On réattaque les grands choix stratégiques pour remonter dans l’hémisphère Nord. Et ce n’est pas le plus simple.

 (Article extrait de l'Equipe du samedi 29 Décembre 2012)





Lundi 24 Décembre 2012

ELLES AUSSI VIVENT EN SOLITAIRE
(Article de l'Equipe du 24 décembre 2012)

Elles préfèrent rester ans l'ombre. La plupart des épouses ou compagnes des skippers 
du tour du monde en solitaire sont réticentes à livrer leurs états d'âme. 
Deux d'entre elles ont accepté de raconter ce qu'est leur quotidien, 
ce que sera leur Noël, loin de leur marin de coeur.


Pour zoomer sur les articles, 
nous vous conseillons d'appuyer simultanément sur les touches Ctrl et +
(ensuite pour "dézoomer, même manip mais avec Ctrl et touche -)



GABART N'A PAS LA TETE AUX FETES
Absorbé par la régate au contact avec Armel Le Cléac'h, François Gabart n'a pas vraiment la tête aux considérations festives des terriens. 
"Noël, on ne s'y prépare pas et ça me va très bien. Je vais faire du bateau. Sur mamontre il y aura marqué 25 décembre, puis 26, puis 27... Je vais téléphoner à ma famille, mais ce sera plus pour elle car, pour moi, ça ne changera rien.
Je ne pense pas que le pire soit de louper le premier Noël de mon fils, même si évidemment, j'aimerais être avec lui et Henriette. Pour un petit garçon de 10 mois, ce n'est pas encore si grave de ne pas avoir son papa à ce moment-là. 
Quand il aura l'âge de comprendre, j'aurais plein de jolies histoires à lui raconter. Je lui dirai que, pour son premier Noël, j'étais en mer autour du monde. Etre absent quelques semaines ne peut qu'améliorer ce qu'il nous reste à vivre ensemble."

ANNE LE CAM



LE CAM NOEL AVANT L'HEURE
"Seul en mer, tu ne bois pas, c'est pas drôle, pas convivial." Volontiers bon vivant à terre, Jean Le Cam ne retrouve pas la même saveur en mer. Et même s'il a pu compter sur la présence à bord de ses mascottes Ushu, Monsieur Costaud et Marsupi, pas sûr qu'il ait apprécié plus que ça le contenu de la petite bouteille de Château Angélus. En effet, les prévisions météo annonçant des vents à 35 noeuds (65km/h) aujourd'hui, le skipper de Synerciel a dégusté, hier, avec une journée d'avance, son repas de réveillon, composé notamment de foie gras et de bonbons Haribo, dont les fameuses fraises Tagada qu'il adore. 
Le Cam, grand gamin de 53 ans, aura également ouvert ses cadeaux parmi lesquels, une photo des membres de son équipe technique affublés d'un bonnet de Noël.



Samedi 22 Décembre 2012
CAP SUR NOEL

VOICI COMMENT LES SOLITAIRES, EN PLEIN CŒUR DU PACIFIQUE, 
PASSERONT LA PERIODE DES FETES

(Chronique de Michel Desjoyaux, extraite de L’Equipe du samedi 22 Décembre 2012)

Visiblement les Mayas nous ont laissé passer, et ils n’ont pas non plus réussi à entraver la progression des marins en mer. Tant mieux, on va en profiter pour faire le fête ! A terre, ce ne sont pas les sollicitations qui manqueront prochainement, mais en mer, comment se passent ces jour-là ?

Tous ne seront pas logés à la même enseigne. Il y a des différences d’appréciation. Il y a des différences d’appréciation. On peut comprendre que pour certains, les objectifs sportifs seront au-dessus de la pile des priorités, et on le conçoit aisément. Se battre au coude à coude depuis 45 jours n’incite pas à la mélancolie et à la légèreté de l’être, je vois mal Messires Gabart et Le Cléac’h se retrouver à la table de la salle des fêtes du Pacifique pour déguster foie gras et dinde aux marrons, agrémentés d’un bon vieux Sauternes de la meilleure facture !
Non que les garçons ne soient pas adeptes des bons moments passés à festoyer, mais parce que les circonstances font qu’ils seraient plus tentés par une séance de perfectionnement au close-combat en milieu hostile. Les petits plaisirs de la gastronomie française ne seront cependant pas totalement exempts de leurs journées de navigation, mais ce sera une découverte de chaque instant. Si les menus sont décidés à l’avance, ils sont organisés en paniers journaliers,et contiennent quantitativement et qualitativement ce qu’il faut pour faire face aux conditions climatiques qu’exige le parcours. Et comme la planification le permet, des menus de fête sont prévus pour les grandes occasions.
Nous ne dévoilerons pas ici le contenu, pour préserver l’effet de surprise.
A consommer avec modération, selon l’expression consacrée. Je ne suis pas persuadé qu’un organisme fatigué soit apte à encaisser avec sérénité quelques gorgées de vin ou d’alcool, sans une perte notoire de vigilance et de lucidité, et l’endroit est plutôt mal choisi.

Je ne vois pas non plus les poursuivants s’adonner à de telles pratiques, même si les chances de croiser la maréchaussée sont pour ainsi dire proches de zéro ! Et ce n’est pas pour minimiser l’enjeu sportif que je dis ça, mais parce que bien conscient qu’il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. Ce n’est pas parce que les terriens font la fête qu’on peut se permettre en mer quelques facéties propres à faire perdre son latin à un vieux brise-quart.

La gastronomie fait bien sûr partie des incontournables de la trêve des confiseurs, mais il n’y a pas que la bouffe dans la vie, il y a le costume aussi ! On a l’habitude voir les gars endosser leur tenue de père Noël pour faire allusion, et illusion. Passage obligé pour les besoins de la communication ou mise en scène volontaire, c’est à chacun de voir.
Ce peut être une bonne occasion de décompresser, ça vaut bien une tenue de clown, et j’ose espérer qu’à leur âge aucun ne croit plus au père Noël ! Parions aussi qu’au concours photo et vidéo, certains s’en donneront à cœur joie pour immortaliser la  situation. Ne manquerait plus que le bateau se transforme en traîneau, lancé dans une frénésie endiablée sur un tapis de neige qu’on appellera mer démontée ; le blanc des crêtes des vagues se substituant aux plaisirs des montagnes.
Tous ont, quelque part caché dans leur bateau, un sac ou une caisse de cadeaux qui ont été concoctés par leur famille, leurs proches. Selon l’humeur et les ambitions avant le départ, le volume de la hotte du père Noël peut prendre des proportions diverses. Seul Bernard Stamm peut s’offrir le luxe d’une irruption dans sa cabine, les autres, privés de cheminée, devront se contenter de l’imaginer !

Malgré l’éloignement, le partage de ces bons moments est possible. Mais on peut se demander qui, des familles restées à terre, les jeunes enfants notamment, ou des skippeurs, seront les plus affectés. Le téléphone et même la visioconférence peuvent permettre de jolis moments de regroupement familial. Et d’émotion, la fatigue aidant, les larmes couleront. Au risque de passer pour un cache-ta-joie, rappelons que les gars sont en course, en mer, en solitaire, en des contrées retranchées d’un océan qui n’a de pacifique que le nom !





INTERVIEW JUMELLE 
POUR LES DEUX LEADERS DE LA COURSE,
notre François Gabart à nous, et Armel Frizouille Le Cléac'h

(Article de l'Equipe du 18 Décembre 2012)


(Photo Agence Reuters)
 
 


ARMEL LE CLEAC'H
(Photo Armel Le Cléac'h extraite du ste officiel du Vendée Globe)


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EMMENEZ-MOI AU BOUT DE LA TERRE
(Article de l'Equipe du 14 décembre 2012)

(Photo extraite du site officiel du Vendée Globe)

RARES SONT CEUX QUI, COMME LES CONCURRENTS DU VENDEE GLOBE, 
ONT NAVIGUE DANS LES MERS DU SUD SOUS CES LATITUDES EXTREMES
Huit marins d'exception brossent le tableau de ces contrées hostiles





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A FOND LES VOILES !
Les leaders ont traversé l'océan Indien 
à un rythme effréné, au point d'affoler les compteurs 
en début de semaine. Voici pourquoi.

(Article de l'Equipe du samedi 15 décembre)

 



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Qu’est-ce qu’une vague scélérate ?


Aussi dangereuses qu’inattendues, les vagues scélérates peuvent engloutir un navire en quelques secondes. L’exemple le plus frappant est celui du cargo allemand München, réputé insubmersible, qui disparut en Atlantique Nord le 12 décembre 1978. La déformation d’une pièce métallique sur un canot de sauvetage retrouvé peu de temps après, montre qu’une force incroyable a été exercée sur le bateau. Ces vagues représentent donc un véritable danger pour les coureurs du Vendée Globe, même si le risque de les rencontrer est assez limité.
La vague scélérate est une vague d’une sévérité inattendue par rapport aux conditions de mer lorsqu’elle survient. Si la définition fournie par l’Ifremer (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) laisse imaginer le pire, elle ne précise pas que ces murs d’eau peuvent parfois mesurer plus de trente mètres de haut. Comment reconnaître une vague scélérate ? Pour beaucoup, elle équivaut à deux fois la hauteur significative (hauteur moyenne des vagues les plus grosses, qui correspondent à un tiers de l’ensemble). Mais, « il n’y a pas que la hauteur qui joue. Il est important selon moi de parler de sévérité, autant que de hauteur, explique Michel Olagnon, spécialiste des vagues scélérates à l’Ifremer. Il y a en particulier la cambrure, la raideur de la vague qui joue. » Ce sont ces aspects caractéristiques de la vague qui la rendent dangereuse pour les navires car, « si la vague est moins raide mais plus haute, ils peuvent très bien s’en sortir sans dommages. »

« L’autre point important, c’est l’aspect inattendu de ces vagues », complète Michel Olagnon. En effet, il ne faut pas nécessairement une mer très formée pour les rencontrer mais surtout, elles sont disproportionnées par rapport à l’ensemble des vagues qui les entourent. Ce qui les rend inattendues, c’est aussi et surtout le fait qu’il est difficile aujourd’hui de trouver une explication rationnelle à leur apparition, et donc, d’évaluer le risque d’en rencontrer : « Pour le moment, on n’a pas encore vraiment trouvé le moyen de les prévoir. Les météos ont mis en place des indicateurs. On trouve des corrélations mais on n’arrive pas à avoir des informations suffisamment précises qui nous éviteraient de donner de fausses alertes trop souvent. » Toutefois, « certaines conditions météo semblent plus favorables à la formation de vagues scélérates ».

Elles sont partout


Quelles « chances » les participants du Vendée Globe ont-ils alors de croiser la route de ce monstre marin ? Quel endroit du parcours est le plus propice à la formation de telles vagues ? Le risque de rencontrer une vague scélérate reste finalement assez mince. Pas question pour autant de l’ignorer. A priori, c’est dans les mers du Sud qu’elles sont les plus fréquentes même si le Golfe de Gascogne peut également réserver de mauvaises surprises. « Il y a des vagues scélérates à peu près partout, dans les océans du monde entier », précise Michel Olagnon. Le ferry « Pont-Aven », qui assurait la liaison entre Plymouth et Santander, en a fait la douloureuse expérience le 21 mai 2006, au nord d’Ouessant. Une vague de 27 à 30 mètres de haut a frappé le navire. Les dégâts (hublots éclatés, cabines inondées…) ont contraint le commandant à dérouter le navire vers Roscoff pour réparation. Miraculeusement, seulement six personnes ont été blessées.
« Il existe des lieux où l’on rencontre des phénomènes comparables mais ce ne sont pas des vagues scélérates car on sait pertinemment pourquoi elles se produisent », ajoute-t-il par ailleurs. C’est le cas par exemple des vagues gigantesques que l’on peut trouver dans le courant des Aiguilles qui descend de l’Océan Indien, à l’est de l’Afrique du Sud. La houle qui remonte des mers australes envoie des vagues qui remontent contre le courant. Ce phénomène forme de véritables murs d’eau dans cette zone du globe. Mais, comme le précise Jean-Yves Bernot, célèbre routeur et circumnavigateur, les coureurs du Vendée Globe « passent beaucoup plus au Sud et heureusement pour eux, ils n’auront pas à s’emm… avec ça ! »

(Article de Grégoire Duhourcau extrait du site officiel du Vendée Globe)



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Une interview très intéressante de Michel Desjoyaux,
à propos de l'utilisation de la com' 
pour bluffer et tromper les adversaires


L’arme vocale pour endormir l’ennemi



Michel Desjoyaux, double vainqueur du Vendée Globe (2001 et 2009), 
est un maître dans l’art de communiquer en mer.

(Photo Boub'Bullet 2012)


On vous dit bluffeur …
Utiliser l’arme vocale pour endormir l’ennemi, je revendique (Jean-Pierre bien sûr). Tout le jeu consiste à disperser du vrai et pas du faux, parce qu’il ne s’agit pas de mentir. On ne doit pas tout dire, mais en dire suffisamment pour rester crédible. C’est d’ailleurs un peu à travers cet aspect psychologique que j’ai récupéré mon surnom de « Professeur ». Parce que je noyais le poisson pour diminuer l’agressivité de mes concurrents.

C’est votre nature ?
Non. Une partie de moi est intègre et ne raconte pas de conneries. L’autre, celle du compétiteur, joue avec tous les paramètres. Certains ont découvert pendant le Vendée Globe que l’expression orale du marin pouvait avoir des répercussions, certains m’en veulent peut-être encore d’avoir utilisé ces armes-là aussi, mais ça fait partie de la compétition. Alors si quelqu’un se laisse berner ou endormir, tant pis pour lui !

Le bluff commence dès la construction du bateau ?
Un peu oui. Soit on fait croire qu’on a fait quelque chose d’extraordinaire, soit qu’on n’a pas optimisé du tout, pour endormir la concurrence. Nous, on n’a jamais donné le vrai poids de nos bateaux, parce que c’est un élément déterminant de la performance.

Où situez-vous la frontière avec le mensonge ?
Le bluff, c’est la partie du joueur, le mensonge, celle de l’être humain. Le premier le fait aux fins de jeu, et l’autre aux fins de « je ».

Vous nous donnez des exemples sur le Vendée Globe ?
En 2000/2001, quand mon moteur qui fournit de l’énergie à bord ne démarrait plus, je l’ai caché pendant plusieurs jours. Quand j’ai eu mon souci de safran au sud de l’Australie, il y a quatre ans, et que ma progression a été freinée, personne ne m’a demandé ce qui s’était passé ! Alors je me suis bien gardé d’en parler !

Il ne faut jamais avouer de faiblesse ?
C’est une règle de base pour ne pas donner d’espoir aux autres. Mais si on m’avait posé la question, ma réponse était prête : j’ai eu des soucis, c’est réglé. Mais je n’en aurais pas donné la nature. A chacun de faire ses hypothèses. Je me souviens aussi avoir dit que je faisais deux empannages pour aller dans un secteur de vent favorable, alors qu’en fait c’était pour me repositionner par rapport à un concurrent.

Est-il plus facile masquer un coup de moins bien ou l’euphorie ?
Quand on est moins bien, on raconte des banalités, on dit que tout va bien. A partir du moment où on s’exprime, tout peut être retenu contre nous. Il faut maîtriser. Alors, je fais attention à tout, chaque mot, chaque intonation … L’euphorie est plus dure à masquer.

Comme lorsque vous remontiez la flotte, en 2008, après être reparti des Sables d’Olonne avec 40h de retard à la suite d’un problème électrique ?
Je me suis fait taper sur les doigts parce que j’ai dû parfois me demander ouvertement pourquoi les autres n’allaient pas aussi vite que moi !

Marc Guillemot vous avait trouvé prétentieux.
(Content de lui) C’était pour le pousser dans ses retranchements. J’espérais l’obliger à s’énerver et à faire des bêtises. Dans ce genre d’attitude, il y aussi un peu d’insolence. Mais j’étais tellement en retrait …

Vous faisiez semblant de ne pas être à bloc alors que vous voliez au-dessus de l’eau ?
C’est un peu ça, oui … 

Les autres voyaient bien votre vitesse, pourtant ?
Oui, mais comme on n’est pas tous au même endroit, on n’a pas tous la capacité d’analyser la performance de l’autre.

Vous avez déjà été bluffé ?
Sur le Vendée 2000/2001, l’une de mes concurrentes directes (Hélène Mac Arthur) disait toujours quand elle cassait des voiles, et jamais quand elle les réparait. On a mis très longtemps à se rendre compte qu’elle nous racontait des conneries, qu’elle faisait du  catastrophisme. Si elle n’avait plus toutes ces voiles-là, elle ne pouvait pas aller à cette vitesse ! A partir de là, on n’a plus accordé aucun crédit à ce qu’elle racontait.

Pourquoi les gens vous écoutent-ils encore ?
Je pense qu’ils sont encore sous le charme … (grand éclat de rire)

Certaines courses se prêtent plus au bluff que d’autres ?
Le Vendée, parce qu’on est en solitaires, donc très sensibles et « affectables ». Surtout, il y a tout un barnum de communication autour qui favorise énormément ce jeu.

Et rend plus difficile le bluff de navigation ?...
Oui, on est suivis toutes les trois, quatre heures. Mais on continue de jouer. Si j’ai un virement de bord à faire à 16h25 et que ma position va être enregistrée à 16h30, je vais attendre 16h35 pour le faire … 
Quand j’étais petit (je n’étais pas grand, je ….) je lisais Arsène Lupin, il disait : « Je m’évaderai le 27 », et le 25, il sortait de prison !
  
(Article de L’Equipe du Vendredi 30 Novembre 2012, Dossier réalisé par Pascal Glo)

2 commentaires:

  1. Bah.... Pas de commentaires!?! Les blogueurs ne savent donc pas lire?
    Bon, j'avoue j'ai pas tout lu non plus... Et il faut dire qu'en lisant Henriette, j'ai été déprimée... C'est une vrai femme de matin, idéale pour François : tous mes espoirs sont perdus!!!
    Mais quand même y en a des choses intéressante la dedans. Merci Môman pour la revue de presse

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    1. Oooooh la la ! T'as raison ! Dès qu'il y a plus de 10 lignes à lire ya plus personne au balcon !!! Sortis de Pif Gadget et de PLayboy ...

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